Redonner du temps à l'essentiel

Ces derniers temps, lorsque j’ouvre mon ordinateur, je me sens dépassé, confronté au problème de mon rapport au temps : j’ai tellement à faire, et si peu de temps ! Il en ressort un stress qui n’est vraiment pas nécessaire et même, dans mon cas, délétère d’un point de vue créatif.  

Depuis lors, il m'arrive de rester bloqué devant mon fichier ouvert, incapable d’avancer sur le projet en cours. Et cela devient même pire : je me retrouve à tout faire sauf terminer mon manuscrit, écoutant la voix convaincante de la Resistance, trouvant n’importe quel moyen de procrastiner.

Notez que ce n’est pas la première fois que cela me pose un problème, j’avais même écrit un article pour débroussailler mes idées et trouver des méthodes pour dégager du temps pour écrire. Si l’article est daté, il a le mérite de me rappeler où j’en étais par rapport à ce thème à l’époque.

Quand on est créateur, on dirait qu’il y a une règle tacite, une injonction à produire à tout prix et à grande vitesse. Cela peut parfois donner l’impression que si l’on ne produit pas, on n’existe pas, que ce soit pour les systèmes à dopamine que sont les réseaux sociaux ou pour satisfaire les algorithmes d’un site de vente en ligne. Et cette pression, je la ressens assez pour qu’elle gêne mon travail créatif. 

Elle devient un vrai problème.

Je suis tombé sur un article du blog de Dimitri Régnier, dans lequel il décrit des sensations similaires, en tout cas pour ce qui est de son rapport au temps, de son utilisation, et des contraintes qui nous sont imposées.

Je le rejoins sur plusieurs points, mais l’un en particulier me titille particulièrement : pour créer et produire de la qualité, en fait, il faut du temps, il faut prendre le temps. Par exemple, j’aurais dû sortir le tome 2 de Timeskippers avant les fêtes de fin d’année (notamment pour satisfaire l’algorithme). Mais si je veux être fier de ce texte et qu’il soit au niveau de qualité que je souhaite, je me dois de prendre le temps d’y travailler jusqu’à atteindre cet objectif.

Je me rends compte aussi que la situation est accentuée par les outils que j’utilise. Un désavantage du caractère "geek curieux" qui m’habite, je teste pas mal de choses, je cherche à trouver le meilleur outil pour ce que je fais (la planification, l’écriture, la production d’ebooks). Résultat après quelques années : il y en a littéralement partout, mes textes et mes idées sont dispersés dans différents systèmes et logiciels, et cela participe beaucoup du sentiment d’être dépassé quand je soulève le capot de mon portable.

J’ai pourtant des indices sous les yeux. Depuis plusieurs mois, j’utilise une machine à écrire toute simple, avec un écran LCD et un superbe clavier mécanique, qui synchronise mes textes avec mon ordi. Et c’est libérateur : quand j’allume cet outil précis, c’est uniquement pour écrire. Un outil simple, qui ne sert qu'une fonction, qui marche tout le temps.

Les militaires, et particulièrement les unités des forces spéciales, utilisent un moto sous forme d'acronyme: KISS (Keep It Simple Stupid).

Donc, je tends de plus en plus à la simplification de mes outils et de la façon dont je gère mes fichiers. Inspiré par certains des articles de Ploum, mes idées m’amènent à nouveau vers un amour de jeunesse : Linux et les FOSS (Free and Open Source Software), avec cette tendance non pas au minimalisme, mais à l’essentialisme

Dans le même ordre d’idée, je m’éloigne des systèmes à dopamine (je n’ai pas ouvert Facebook depuis plusieurs mois et je vais bien mieux, merci), et j’ai réouvert un compte Mastodon, où l’ambiance ressemble beaucoup à celle des l’internet des pionniers, avec de l’entraide du partage et une certaine forme de bienveillance (et ça fait du bien).

Tout cela déclenche un arc cognitif et me rappelle cette citation de Blaise Pascal :

Tous les problèmes de l’humanité découlent de l’incapacité de l’homme à s’asseoir tranquillement et seul dans une pièce.Blaise Pascal

Dimitri a raison : il s’agit en fait de retrouver notre capacité à conserver une vie intérieure et je rejoins sa conclusion. Il faut redonner du temps à l’essentiel, pour vivre en accord avec ses valeurs.

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