Ma présence au festival Alterficions les 18 et 19 novembre 2023

Vous pourrez venir me rencontrer dans ce superbe lieu qu’est le château d’Yverdon, avec des dizaines d’autres écrivains et notamment les auteurs du GAHELIG.

Affiche du festival Alterfictions, le festival des autres littératures. Les 18 et 19 novembre 2023 au Château d'Yverdon, entrée libre

J’ai hâte d’y être et de rencontrer les lecteurs et auteurs qui seront de la partie. Le concept est novateur et intéressant ; il devrait favoriser le partage et l’interaction avec les visiteurs.

Je ne sais pas encore les détails et horaires de présence pour les dédicaces, que je publierais ici même dès que possible.

Pour plus d’informations, je vous redirige vers le site du festival: www.alterfictions.ch

En attendant, réservez les dates :

18 et 19 novembre 2023 au Château d’Yverdon

Lectures d’été — 2023

Cet été, une répartition égale entre la fiction et la non-fiction. J’ai principalement lu en français, et des brochés plutôt que sur la tablette.

Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar

Sous la plume classique de Yourcenar, je lis Hadrien, empereur romain de 117 à 138, alors qu’il fait un bilan sur sa vie.

J’y découvre plusieurs époques, correspondant aux passages de sa vie, depuis sa formation militaire et ses débuts de fonctionnaire jusqu’à son règne puis l’organisation de sa succession.

Hadrien participe aux guerres daciques, et on remarque à quel point il est marqué par l’injustice et la violence des massacres. Il en retire une volonté de paix, et lui-même décrit son début de règne sous le signe de la pacification.

On se rend compte aussi de l’étendue de l’empire alors qu’on suit ses voyages, et du temps qui passe (nécessaire pour parcourir autant le monde romain).

Dans le même temps, il décrit sa passion amoureuse pour le jeune Antinoüs, et surtout à quel point son décès prématuré assombrit sa vision du monde.

Hadrien démontre une certaine sagesse, une acceptation teintée de lucidité pourtant face à la mort.

En suivant son parcours au gré de l’empire, on découvre l’autre aussi au travers de ses yeux ; il se montre fasciné par les autres civilisations et leurs coutumes.

Finalement, avec une quête de la connaissance de soi, on retrouve des idées modernes, ou du moins qu’on peut aisément appliquer à la vie moderne : l’appréciation de la beauté du monde et sa préservation, l’art de reconnaître le mérite chez l’autre, la reconnaissance de la complexité de l’être, toujours en train de changer.

Journal d’un Assasynth 3 de Martha Wells

J’ai longtemps résisté à la franchise Assasynth (est-ce qu’on peut parler d’une franchise en littérature ? Pas vraiment. Qu’importe : ça m’y fait penser à chaque fois). Je trouvais le jeu de mots moyen, le format trop court. Mais tout de même, ces prix attirent l’œil : pourquoi tant de gens encensent-ils ce bouquin ?

Journal d’un Assasynth : défaillances systèmes à reçu le prix Hugo, le prix Bob Morane, le prix Locus, le prix Nebula, le prix Alex…

Du coup, j’ai fini par craquer en avril avec le premier tome, et… j’avais raison : c’est bien trop court, ce qui fait que je les enchaîne depuis lors.

Ce que j’aime le plus, c’est le décalage profond du personnage principal – synthétique – avec son environnement humain, et l’évolution de ce dernier dans son humanité. Au fond, cela force à se poser la question : qu’est-ce qui nous définit vraiment ?

En plus, il y a ces descriptions de combat, réglés à la microseconde près, où l’on nous explique les décisions prises en fonction des paramètres initiaux de la programmation du synthétique ; j’y prends à chaque fois beaucoup de plaisir.

Pukthu primo par DOA

J’ai acheté les deux tomes en une fois. Ce sont deux monstres de 700 pages, écrits par un auteur que j’avais déjà lu – et apprécié – en 2012. Le style peut parfois rebuter certains lecteurs, moi j’ai apprécié.

En revanche, l’histoire et les personnages sont un ouragan qui m’a balayé, me faisant vivre cette guerre dans ce qu’elle a de plus sordide et injuste, décalée et sale (il n’y a pas de guerre propre).

J’ai dû faire une pause entre les deux tomes.

Mais j’ai envie de découvrir ce qu’il advient des personnages principaux, et je retournerais vers le deuxième tome d’ici la fin de l’année.

Le manuel d’Epictète

Un court guide de stoïcisme.

Antifragile de Nassim Taleb

Longs essais sur l’importance du hasard et sur le sujet intéressant de « l’opposé du fragile ». On regarde au travers de ce thème différents domaines comme l’éducation, la santé, la gouvernance (les gouvernements), le business, la philosophie.

Beaucoup de notes et d’occasion de discuter ; je vais concocter un petit résumé de mes notes.

Sur la dalle de Fred Vargas

Quel plaisir de retrouver un de mes personnages préférés : le commissaire Adamsberg dans une enquête à la limite du huis clos si l’on accepte qu’un petit village puisse en être un. Le même plaisir de lecture que lorsque j’ai découvert cette autrice en lisant Ceux qui vont mourir te saluent au début des années 2000.

Feynman's Rainbow: A Search for Beauty in Physics and in Life by Leonard Mlodinow

Une vue inhabituelle sur les dernières années d’un génie, et la recherche de sens dans le milieu de la physique fondamentale. Un livre court et intéressant avec quelques pépites sur la créativité et la vision du monde.

La huitième fille de Terry Pratchett

Là aussi, j’ai mis des années avant de me laisser conquérir par l’écriture de Terry Pratchett. Ce n’est qu’après avoir lu sa biographie (écrite par son assistant, Rob Wilkins) en avril que je me suis lancé dans les aventures du disque-monde. C’est le cinquième opus que je lis avec le même plaisir et quelques rires à voix haute à la lecture de certaines tournures de phrase et de comparaisons délicieuses.


Les vacances d’été m’ont dégagé un peu plus de temps, me permettant de lire un peu plus que d’habitude. Je suis un lecteur lent (enfin, si je me compare à madame, qui sur la même période a terminé 12 romans), mais le bouquin qui m’a demandé le plus – à cause des notes assez copieuses que j’ai prises durant sa lecture – est Antifragile. C’est aussi celui sur lequel je reviendrais plusieurs fois avant la fin d’année.

Je rejoins le groupe des auteurs helvétiques de littérature de genre (GAHELIG)

J’avais repéré depuis quelque temps le GAHELIG grâce à Catherine Rolland, une autrice hybride avec qui j’ai un certain nombre de points communs (ce sera pour une autre fois). En me renseignant sur le groupe, j’ai vu qu’il était très actif et comportait pas mal de membres, des écrivain.e.s indépendant.e.s autant que d’auteurs issus de l’édition traditionnelle.

Très vite, j’ai eu envie de les rejoindre.

La bannière du site web du GAHELIG. Représente un clavier d'ordinateur et un stylo, une série de symboles représentant les différents genres de littérature et les mots 'polar', 'thriller', 'romance', 'historique', 'fantasy', 'fantastique', 'science-fiction'
La bannière du site du GAHELIG

Je suis assez à l’aise avec la notion de solitude. En fait, il y a plutôt intérêt : le métier d’écrivain veut que l’on passe des heures seul, à la table de travail (remplacez par ce que vous imaginez en fonction du romancier en question : clavier d’ordinateur, vieille machine à écrire, plume et papier). Mais une fois le texte achevé, une fois qu’il est libéré et commence sa vie auprès des lecteurs, je rejoins le monde social et là, je préfère rencontrer des vraies gens (comprendre : différents de mes personnages).

Faire ces rencontres, que ce soit pour discuter avec des lecteurs ou partager avec d’autres auteurs, voilà quelque chose que j’aime vraiment faire qui fait partie aussi du métier. Étant un auteur hybride (enfin techniquement : l’ayant été jusqu’à l’arrivée de la pandémie), j’ai eu la chance de faire quelques festivals et salons littéraires qui m’ont permis ces rencontres. Depuis 2020 cependant, plus rien : la maison d’édition a dû fermer ses portes et moi, je ne suis pas retourné en salon.

Le GAHELIG, c’est donc pour moi une nouvelle occasion de tisser des liens avec des auteurs, qui plus est de ma région, et aussi celle de pouvoir à nouveau pouvoir présenter mes romans en salon et en festival. Je me réjouis par avance !

Vous pouvez nous suivre sur Facebook et Instagram pour avoir toutes les actualités du groupe.

Promotion sur TOTEM pour tout le mois de septembre 23

Vous pouvez profiter du prix réduit de TOTEM sur Amazon dès aujourd'hui.

La promotion durera tout le mois de septembre, et elle permet de réduire le prix de 50% sur l'ebook, soit 3 €. C'est la deuxième fois cette année que je propose un prix réduit, et j'ai remarqué que les lectrices et lecteurs apprécient, puisqu'ils commandent deux à trois fois plus le titre.

Vous pouvez lire un extrait généreux directement depuis cette page, histoire de vous donner l'eau à la bouche (ok: je ne sais pas si l'image est adaptée pour les amat·rices·eurs de polar et thrillers) !

Aller, c'est parti: laissez-vous tenter !

Mastodon

J'ai retrouvé trace de ma première inscription sur une instance Mastodon grâce à mon gestionnaire de mots de passe. C'était en avril 2017, et à l'époque, passé l'attrait de la nouveauté, je m'étais désintéressé de la plateforme en quelques semaines. Il faut dire qu'il y avait beaucoup moins d'utilisateurs, et qu'à l'époque, un bon filtrage de ma timeline Twitter me permettait d'éviter les dérives droitisantes et plus globalement tout ce qu'il y avait de plus négatif sur le réseau de l’oiseau bleu.

Surtout, je n’avais pas compris l’intérêt du Fediverse.

Fast Forward de cinq (!) années. Comme beaucoup de gens, je me suis retrouvé à réinvestir mon compte Mastodon au début de novembre 2022, à la suite du changement de propriétaire de Twitter et des actions qui en découlèrent si vite après.

Alors, quoi ?

Les mots qui me viennent en premier sont « bouffée d’air frais » (j’étais tenté de dire ”d’oxygène”, ce qui est un point de comparaison automatique venant directement de mon dayjob).
Le calme ambiant, la politesse et le fairplay, fair use que j’y retrouve y contribuent pour l’essentiel. L’absence de bots, de pub et d’algorithme sont un vrai plus.

Grâce à cette transition, je retrouve de nouveaux vieux centres d’intérêts : d’abord la littérature et l’écriture, mais aussi le libre, Linux, les FOSS, la street photography.
C’est facile grâce aux tags que l’ont peut suivre directement. Ça l’est aussi parce qu’en changeant de réseau, je suis reparti de zéro, collectant les comptes auxquels je souhaitait m’abonner en agissant comme le curateur d’une importante collection1.
Mieux encore, j’ai pu choisir une instance locale, au sens géographique, qui me permet de voir dans ma timeline locale des usagers que je n’aurais pas découvert sans cela.

Ces changements bénéfiques sont cités en partie dans l’article de Cory Doctorow What the Fediverse doesn't solve, qui m’a aidé a comprendre pourquoi ils étaient bénéfiques.
La force de web des premières années était dans son interopérabilité. Tout le monde utilisait des protocoles standards. Cela permettait de créer dans son petit coin d’internet tout en le rendant connectable au travers de ces standards. On pouvait lier tout et n’importe quoi, mais pas n’importe comment. Il était facile de quitter un forum, une communauté, un site, en gardant des liens vers ces derniers, mais aussi de se protéger des mauvais acteurs par les mêmes mécanismes.

Les fondations du Fediverse reposent sur le même genre de standard, un protocole appelé ActivityPub, créé pour fabriquer un web durable, ouvert et interopérable, pouvant fonctionner avec n’importe quelle application. C’est le cas de Mastodon, de Pixelfed et bien d’autres.
C’est ce qui m’a permis de quitter une instance et de déménager mes followers et les comptes que je suivais en quatre clics.

Cela me permettra, si un jour les admins de l’instance que j’ai choisie virent vers des idées que je ne partagent pas, de déménager à nouveau sans être victime du principal bras de levier qu’utilisent les systèmes propriétaires et les stratèges de l’économie de l’attention: on ne les quitte pas parce que tout ceux que l’on connait y sont et qu’il est impossible de le faire sans les perdre. On y est pris au piège, by design.

C’est impossible avec un système ouvert et libre, respectueux de protocoles standards qui permettent cette ouverture.
C’est cela, au fond, que j’ai gagné en migrant vers une instance Mastodon: la liberté des premiers jours du web, en tout cas une certaine forme de cette dernière.

  1. C’est tout l’intérêt de renseigner une bio courte et efficace, et de la politesse faites aux autres usagers d’écrire un post de présentation. ↩︎

Redonner du temps à l’essentiel

Ces derniers temps, lorsque j’ouvre mon ordinateur, je me sens dépassé, confronté au problème de mon rapport au temps : j’ai tellement à faire, et si peu de temps ! Il en ressort un stress qui n’est vraiment pas nécessaire et même, dans mon cas, délétère d’un point de vue créatif.  

Depuis lors, il m'arrive de rester bloqué devant mon fichier ouvert, incapable d’avancer sur le projet en cours. Et cela devient même pire : je me retrouve à tout faire sauf terminer mon manuscrit, écoutant la voix convaincante de la Resistance, trouvant n’importe quel moyen de procrastiner.

Notez que ce n’est pas la première fois que cela me pose un problème, j’avais même écrit un article pour débroussailler mes idées et trouver des méthodes pour dégager du temps pour écrire. Si l’article est daté, il a le mérite de me rappeler où j’en étais par rapport à ce thème à l’époque.

Quand on est créateur, on dirait qu’il y a une règle tacite, une injonction à produire à tout prix et à grande vitesse. Cela peut parfois donner l’impression que si l’on ne produit pas, on n’existe pas, que ce soit pour les systèmes à dopamine que sont les réseaux sociaux ou pour satisfaire les algorithmes d’un site de vente en ligne. Et cette pression, je la ressens assez pour qu’elle gêne mon travail créatif. 

Elle devient un vrai problème.

Je suis tombé sur un article du blog de Dimitri Régnier, dans lequel il décrit des sensations similaires, en tout cas pour ce qui est de son rapport au temps, de son utilisation, et des contraintes qui nous sont imposées.

Je le rejoins sur plusieurs points, mais l’un en particulier me titille particulièrement : pour créer et produire de la qualité, en fait, il faut du temps, il faut prendre le temps. Par exemple, j’aurais dû sortir le tome 2 de Timeskippers avant les fêtes de fin d’année (notamment pour satisfaire l’algorithme). Mais si je veux être fier de ce texte et qu’il soit au niveau de qualité que je souhaite, je me dois de prendre le temps d’y travailler jusqu’à atteindre cet objectif.

Je me rends compte aussi que la situation est accentuée par les outils que j’utilise. Un désavantage du caractère "geek curieux" qui m’habite, je teste pas mal de choses, je cherche à trouver le meilleur outil pour ce que je fais (la planification, l’écriture, la production d’ebooks). Résultat après quelques années : il y en a littéralement partout, mes textes et mes idées sont dispersés dans différents systèmes et logiciels, et cela participe beaucoup du sentiment d’être dépassé quand je soulève le capot de mon portable.

J’ai pourtant des indices sous les yeux. Depuis plusieurs mois, j’utilise une machine à écrire toute simple, avec un écran LCD et un superbe clavier mécanique, qui synchronise mes textes avec mon ordi. Et c’est libérateur : quand j’allume cet outil précis, c’est uniquement pour écrire. Un outil simple, qui ne sert qu'une fonction, qui marche tout le temps.

Les militaires, et particulièrement les unités des forces spéciales, utilisent un moto sous forme d'acronyme: KISS (Keep It Simple Stupid).

Donc, je tends de plus en plus à la simplification de mes outils et de la façon dont je gère mes fichiers. Inspiré par certains des articles de Ploum, mes idées m’amènent à nouveau vers un amour de jeunesse : Linux et les FOSS (Free and Open Source Software), avec cette tendance non pas au minimalisme, mais à l’essentialisme

Dans le même ordre d’idée, je m’éloigne des systèmes à dopamine (je n’ai pas ouvert Facebook depuis plusieurs mois et je vais bien mieux, merci), et j’ai réouvert un compte Mastodon, où l’ambiance ressemble beaucoup à celle des l’internet des pionniers, avec de l’entraide du partage et une certaine forme de bienveillance (et ça fait du bien).

Tout cela déclenche un arc cognitif et me rappelle cette citation de Blaise Pascal :

Tous les problèmes de l’humanité découlent de l’incapacité de l’homme à s’asseoir tranquillement et seul dans une pièce.

Blaise Pascal

Dimitri a raison : il s’agit en fait de retrouver notre capacité à conserver une vie intérieure et je rejoins sa conclusion. Il faut redonner du temps à l’essentiel, pour vivre en accord avec ses valeurs.

Robots

La nouvelle vidéo de Boston Dynamics m'a fait peur. Pourquoi ?

Dans mon enfance, l’un de mes jouets les plus marquants était un Goldorak de près de 80 cm de haut. Il était trop cool, pouvait lancer de missiles et avait des fulguropoings clignotants. Merchandizing dérivé du manga éponyme, ce robot géant que j’adorais était piloté par un homme, Actarus.

Début 2021, Boston Dynamics a publié sur sa chaîne YouTube une vidéo démontrant l’état de l’art de leur production. On peut y voir trois robots dansant sur une chanson du groupe The Contours, n° 3 du Billboard 100 de l’année 1962.

À priori, rien d'effrayant, pourtant, ce que j’avais devant les yeux m’a autant fasciné que fait peur. Pour le coup, c’était nouveau : je n’avais jamais ressenti la moindre appréhension par rapport aux robots.

MA GÉNÉRATION Y EST aussi accoutumée que possible.

En dehors de mon jouet, mes premiers contacts se firent au travers de romans de science-fiction, en lisant Asimov. Pour d’autres, ce fut peut-être par le biais du cinéma.

On peut penser à R2D2 et C3PO de la saga Starwars, ou encore Ash dans Alien, un robot humanoïde dont il est impossible de deviner la nature, tant son comportement et son apparence sont similaires aux nôtres.

Rapidement, ils sont devenus si courants dans notre culture que nous les prenons pour acquis.

Aujourd’hui, les robots partagent notre quotidien, et nous n’en avons pas peur. À la rigueur, la crainte qu’ils inspirent est celle de perdre une (grande) partie de nos jobs. Ils représentent le progrès, améliorent notre quotidien, augmentent nos capacités industrielles. À l’instar des fictions que nous lisons ou regardons, ils sont devenus courants dans nos vies.

Alors, pourquoi ai-je éprouvé un tel sentiment en voyant danser les robots de Boston Dynamics ?

La chorégraphie exécutée à la perfection par ces robots massifs dégage une impression de puissance et d’inexorabilité. En un sens, elle m’a rappelé le LUCAS, un bras automatisé utilisé par les secours professionnels pour exécuter le massage cardiaque ; le rythme mathématique, la force constante et le côté imparable, inévitable, s’apparente à une certaine forme de violence.

En voyant cette séquence, je ne pouvais empêcher mon cerveau de divaguer. Devant mes yeux défilèrent des images d’une armée de ces robots contrôlant une foule de manifestants de manière autonome — une vision induite en grande partie par les images des grands mouvements sociaux qui inondaient les réseaux quelques semaines auparavant, et des violences policières associées. Une fois autonomes, comment se comporteront ces machines ? À quoi ressembleraient les violences « policières » perpétrées par de tels robots ?

©Cyril Vallée

LA VIDÉO DÉVOILE LES DERNIÈRES CAPACITÉS des créations de Boston Dynamics. La danse rythmée montre l’agilité, la précision et la vitesse2 à laquelle ces machines se déplacent.

Le robot le plus impressionnant, ATLAS, présente une forme humanoïde. On peut les imaginer sans trop de difficulté aux couleurs d’une unité de police, insensibles aux insultes, aux jets de pierre ou au gaz lacrymogène. Ils pourraient être équipés de caméras haute définition, enregistrant en permanence et utilisant des algorithmes de reconnaissance faciale pour identifier les leaders dans la manifestation.

Une vision de cauchemar : c’est cela qui m’a littéralement fait peur.

Il est possible que je me sois laissé emporter par mon imagination. Écrire des fictions a sûrement une certaine influence sur ma façon de voir les choses.

Doit-on avoir peur des robots ?

Pourtant, nous sommes très habitués à la présence des robots. Ils sont apparus dans nos vies il y a plusieurs dizaines d’années, et on peut en voir de partout.

Le terme de robot fut inventé pour les besoins d’une fiction par l’auteur tchèque Karel Capek en 1921. Partons du principe d’exclure tout ce qui a trait aux automates, automa et autres outils automatisés ou utilisés pour distraire les foules. Je mettrais de côté aussi les drones et autres appareils pilotés à distance : il y a toujours un homme au bout des ondes ou du fil.

Dans la conception moderne de ce qu’est un robot, ceux qui marquèrent le grand public apparurent au début des années 1970, sur les lignes de production industrielle. Ils étaient destinés aux travaux pénibles, comme la peinture ou le soudage des carrosseries. Énormes et massifs, ils étaient réservés aux applications industrielles, n’exécutant que des tâches préprogrammées.

La même époque vit le développement, dans les laboratoires japonais de robots humanoïdes, comme ceux que l’on peut voir dans certaines fictions.

Tous avaient de sérieuses limitations : ils devaient être reliés d’une manière ou d’une autre à un système plus large, que ce soit pour leur alimentation ou pour les piloter. Leurs capacités sensorielles étaient très limitées, et il fallait un ordinateur externe pour traiter toutes ces informations.

En cela, on était très loin de l’autonomie des robots présentés dans la fiction.

JUSTEMENT, CETTE PEUR INSPIRÉE du visionnage des capacités de robots de Boston Dynamics peut-elle m’être inspirée par la fiction ? En d’autres termes, suis-je influencé par mes lectures et les films que j’ai vus en grandissant ?

Le robot qui fait peur — ou pire : qui menace l’humanité — est un concept surexploité dans les œuvres de SF. Les Cylons de Battlestar Galactica se retournent contre leurs créateurs, déclenchant une guerre spatiale, et on ne voit pas ce qui va les empêcher de la gagner. D’ailleurs, que dans le remake moderne, les robots on prit une forme totalement humaine, séduisante, même, les rendant plus effrayants encore (comment les distinguer ?).

Les terminators viennent du futur dans le but d’empêcher la survie de l’espèce humaine. Les machines de Matrix nous ont déjà réduits à l’état de piles électriques. Les Réplicants de l’univers Stargate consomment tout ce qui est électrique ou mécanique, et même absorbent quelques hommes dans la foulée, dans l’unique but de se répliquer3.

Cette idée du méchant robot, animé par une pensée propre (ou une « intelligence artificielle » dans certains cas) est facile parce qu’elle fait appel à des ressorts bien connus : la toute-puissance mécanique (et c’est aussi le sentiment inspiré par les vidéos de Boston Dynamics) et l’invention qui se retourne contre son créateur (on pense à Frankenstein, c’est aussi une idée très utilisée en fiction, qu’on peut rattacher de loin à l’œdipe de Freud).

MAIS LA FICTION APPORTE AUSSI tout un lot de figures robotiques qui sont au service de l’homme, le protègent, ou qui donnent une image sympathique. Le plus iconique étant peut-être R2D2, le petit robot qui assiste en permanence les héros de Star Wars, et surtout Luke Skywalker.

Le robot de H2G2 (The Hitchhiker Guide to the Galaxy), nommé Marvin4, est un robot désabusé et dépressif, aux répliques aussi cinglantes que drôles.

Arthur : Marvin, as-tu une idée ?

Marvin : Des millions. Elles mènent toutes à une mort certaine.

— Douglas Adams, Le Guide du Routard Galactique

Ou encore :

Ma propension pour le bonheur pourrait rentrer dans une boite d’allumettes sans enlever les allumettes.

— Ibid.

Même dans le cas où ils sont un support à l’humanité, on ne peut s’empêcher de constater leurs capacités qui dépassent le plus souvent celles des hommes. Elles sont physiques — les robots de fiction sont plus massifs, ils avancent plus vite, ils sont mieux armés, ils ne manquent pas leurs tirs (penser à Robocop) — et intellectuelles : leur mémoire est infaillible, ils parlent tous les langages connus (C3PO), ils ont accès à des bases de données sans limites, qui parfois viennent du futur (Terminator).

Dernièrement, le scénario de Zone hostile, un film de science-fiction produit par Netflix, décrit l’utilisation de robots militaires pour la première fois déployés sur un front de guerre, au milieu des troupes d’infanterie.

Dans son article sur le site builtin.com (The future of robots and robotics), l’auteur Mike Thomas résume l’impact de la fiction sur notre conception de la robotique ainsi :

On pourrait argumenter, en fait, que la culture pop en général a ruiné les robots, ou au moins la plupart des concepts que les gens ont à propos de ce que sont réellement les robots.

Ce mélange d’influence façonne notre idée de ce qu’est un robot depuis si longtemps qu’on a bien du mal à penser autrement, sinon au prix d’un effort conscient. Justement, c’est du côté de l’inconscient que j’ai réagi en voyant les robots de Boston Dynamics.

— Mike Thomas, The future of robots and robotics

Ils sont déjà dans nos vies

Nous en croisons tous les jours. Le premier auquel je pense est mon aspirateur Roomba. Aux alentours de dix heures, il va quadriller le salon et les pièces adjacentes, nettoyer et aspirer toutes les miettes du petit-déjeuner et s’occuper de la plupart des poils de chat (espérons-le).

Sur l’autoroute, le régulateur de vitesse va transformer mon véhicule en robot : en fonction des paramètres qu’il mesure, il pourra prendre la décision de maintenir la vitesse dans une côte ou de freiner pour rester à distance de la voiture qui me précède.

Dans l'hôpital où je travaille, un robot occupe une pièce entière (en fait, plusieurs centaines de mètres carrés) ; il gère la distribution et la récupération des tenues de travail.

Si l’on élargit un peu le point de vue, on peut aussi penser aux robots envoyés sur Mars (par la NASA, mais aussi par la Chine, même s’ils sont appelés rovers. Vu le temps de transmission nécessaire à la moindre communication avec la planète rouge, ces appareils doivent être capables de démontrer une certaine autonomie.

En fait, on pourrait considérer tout ordinateur qui a une influence sur le monde physique comme étant une forme de robot : du thermostat intelligent à la voiture autonome, du robot de tri des barres chocolatées dans l’usine Cailler aux robots des lignes d’assemblage de fabrication automobile. La plupart des entrepôts logistiques utilisent aussi des robots pour transporter et aiguiller les colis. Il y en a partout.

Le bras Da Vinci au-dessus d'une table d’opération. Via Wikimedia Commons

DANS LE DOMAINE, LES PROGRÈS sont fulgurants. Ils sont liés à ceux de l’informatique : non seulement sur la puissance de calcul et la mémoire, mais surtout au niveau du développement logiciel, avec des domaines comme l’analyse de données, la reconnaissance de formes et l’IA. La gageure étant maintenant d’embarquer ces capacités de traitement à bord d’unités robotisées mobiles, les rendant, cette fois, autonomes.

Les applications sont infinies. Déjà, on a développé des robots pour la recherche de personnes en environnement risqué (radiation, éboulements) — on aurait pu utiliser un tel robot à Fukushima pour ouvrir une valve de refroidissement et éviter un incident nucléaire majeur.

Des robots procèdent déjà à des interventions chirurgicales (sous contrôle d’un chirurgien, mais pour combien de temps ?), ils transportent des objets lourds, ils réparent les barebones au fond des océans, assurant la continuité des liaisons internet, et je n’aborde même pas le sujet des applications militaires (la Royal Navy a commandité l’essai de sous-marins autonomes ; l’armée anglaise a fait l’acquisition de cinq véhicules autonomes pour le réapprovisionnement.

Pourtant, les robots autonomes ne sont pas encore là.

En termes d'autonomie, on est encore loin des robots de la fiction. Les prochains progrès doivent se faire à deux niveaux : du côté de l’autonomie énergétique, et du côté logiciel (deep learning et machine learning).

L'un des plus gros problèmes que nous ayons est qu'il n'y a rien d'aussi bon que le muscle humain. On arrive pas à approcher de ce qu'un être humain est capable de faire.

— Will Jackson, directeur de l'Engineered Arts au Royaune-Uni, interviewé par Mike Thomas pour Built in.

Il reste encore beaucoup de progrès à faire. Certains on même pensé que la vidéo de Boston Dynamics était en fait de la CG (c'est faux). D'après leurs chercheurs, la vidéo à nécéssité un an et demi de chorégraphie, simulation, programmation et mises à jour, au sommet desquels le tournage de la vidéo qui a pris deux jours pour produire un film de moins de trois minutes5 et beaucoup de problèmes à surmonter, au premier rang desquels l'autonomie énergétique. En fait, si l'ont suit l'idée de la loi de Moore, le coût par unité d'énergie n'a pas diminué de 50% tous les 18 mois, à l'inverse de ce qui s'est passé pour la puissance des microprocesseurs.

Donc, vraisemblablement, les robots qui m'ont fait peur risquent de voir leurs piles se vider avant de pouvoir faire quoi que ce soit de néfaste.

MAIS PLUS QUE LES POSSIBILITÉS de ces robots (qui dépasseront celles des hommes plus rapidement que je ne le pense), c'est l'IA et l'éthique qui les gouverne qui m'inquiète. Et on ne pourra pas compter sur les trois lois de la robotique, décrites par Isaac Asimov dans sa suite de romans sur les robots6. Il a de toute façon démontré dans ses histoires qu'elles pouvaient être contournées ou poser des problèmes assez facilement.

Aujourd'hui, aucun robot n'utilise les Trois Lois. À la place, nous avons des experts en IA, éthique et morale pour aider à créer des guides pour la création et l'usage des robots. Certains chercheurs espèrent aussi donner plus de pouvoir aux robots en leur donnant l'abilité à faire tout seuls des jugements éthiques et moraux des conséquences de leurs actes.

— Dr Peter Bentley, What you need to know about the past, present and future of robotics

Le développement de l'Intelligence Artificielle que ces robots vont utiliser doit donc être fait en lien étroit avec l'éthique, qui doit être une priorité. On ne peut pas uniquement compter sur les intérêts privés, sur les chercheurs et programmateurs (l'erreur est humaine), pour garantir un comportement sûr de ces robots.

Le fait que Google, qui est le plus gros financier de recherches sur l'intelligence artificielle, ait viré récemment ses deux directeurs de l'éthique en IA, est très inquiétant.

C'est de cela qu'il faut avoir peur.

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Cet article est un Work In Progress. Dernière actualisation en février 2022.

  1. ATLAS, le robot dédié à la recherche de Boston Dynamics peut déjà atteindre la vitesse de 1,5 m/s (c’est 5,4 km/h), soit la vitesse d’un homme qui marche. Cela ne peut que très vite évoluer.
  2. Le concept a déjà été décrit en dehors de la fiction. Les machines auto-réplicantes sont un type de robot autonome capable de se reproduire tout seul en utilisant les matières premières trouvées dans son environnement, démontrant une auto-réplication similaire à celle trouvée dans la nature. Le concept fut proposé par Homer Jacobson, Edward F. Moore, Freeman Dyson et John Von Neumann.
    Source: Wikipedia(https://en.wikipedia.org/wiki/Self-replicatingmachine)
  3. Marvin est un robot doté d'un processeur si puissant, qu'un cerveau biologique, pour déployer une puissance de calcul équivalente, devrait mesurer la taille d'une planète. Tout aurait pu être parfait, mais il est doté du PPA (Profil de personnalité authentique), ce qui le rend capable d'avoir des émotions plus humaines. C'est ce qui lui cause des problèmes : Marvin en est devenu dépressif, paranoïaque et, par conséquent, un peu agaçant pour les autres personnages.
    Source: Wikipedia(https://fr.wikipedia.org/wiki/Marvin(LeGuideduvoyageurgalactique))
  4. Voir cet article de CBS.
  5. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger
    Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la première loi
    Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n'entre pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi.
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