La règle de Raymond Chandler

La règle de Raymond Chandler

L’écrivain américain Raymond Chandler avait l’habitude d’écrire sur de petites cartes cartonnées (les index cards au format A7). Il les utilisait directement dans sa machine à écrire.

Il suivait une unique règle : quelque chose devait se passer sur chaque carte, ce qui l’entrainait à être précis et direct. L’équivalent moderne pourrait s’articuler ainsi : on doit s’assurer que le lecteur a une épiphanie tous les deux cent cinquante mots. Cela rend l’écriture plus concise et efficace.

Faire en sorte que le lecteur ait une épiphanie tous les deux cent cinquante mots

Ce n’est pas que le lecteur n’apprécie pas les idées profondes, au développement long, mais il s’agit d’envelopper ces idées dans une narration intéressante, parsemée d’un enchaînement harmonieux de mini-révélations. Tout comme les bons humoristes cachent de petites blagues au sein de la thématique de leur sketch, les bons écrivains gardent l’attention de leurs lecteurs avec une révélation toutes les pages.

(Via David Perell.)


Comment Cory Doctorow fait-il pour être aussi productif ?

Dans le podcast New Disruptors (2013), l'auteur Cory Doctorow explique comment il arrive à produire autant de textes.

Comment Cory Doctorow fait-il pour être aussi productif ?

Cory Doctorow est un journaliste, écrivain et activiste internet d’origine canadienne. Il vit actuellement à Londres, et c’est l’un des écrivains les plus prolifiques que je connaisse, avec par exemple Fabrice Colin.

Il était l’invité de Glenn Fleishmann lors d’un récent podcast [lien Internet Archive] (New Disruptors podcast), durant lequel il a répondu à quelques questions sur sa productivité, notamment: quel est votre secret pour produire autant ?

Sur le secret de sa productivité, il répond donc:

  • Dire beaucoup non, c’est-à-dire décider et choisir sur quoi l’on veut travailler
  • Apprendre à écrire dès qu’un moment se présente
  • Avoir un objectif journalier en termes de mots à écrire
  • Savoir s’arrêter au milieu (d’une phrase, d’un paragraphe, une fois le nombre de mots décidé atteint)
  • Choisir un objectif modeste, mais l’atteindre tous les jours
  • Par incidence, écrire tous les jours, donc développer une habitude de l’écriture

D’après Doctorow, développer cette habitude d’écrire tous les jours, et surtout écrire (facilement?) lui est venu à partir du moment où il a réalisé que sa satisfaction avait beaucoup plus à voir avec son système endocrinien et son taux de glucose dans le sang qu’à voir avec les mots qu’il venait d’écrire. Aussi séduisante que peut l’être l’idée de “l’inspiration”, celle-ci n’a probablement rien à voir avec la qualité de votre travail.

Le reste du podcast est plutôt orienté sur la publication online, les ebooks et les questions économiques autour du partage et de la disponibilité de ses écrits online, entre autres choses. Des notes tirées du podcast sont disponibles sur le site de Glenn Fleishmann.

Pour ma part, même si je ne suis pas encore publié, je trouve beaucoup de plaisir dans l’écriture. Et dans l’idée de toujours m’améliorer, il se trouve que j’applique quelques-uns de ces principes.

J’ai un day job, pour nourrir la famille (et parce que ce job est intéressant pour moi), et ce job est assez prenant, impliquant des gardes, des nuits et des déplacements. Tout cela participe du fait que moi non plus, je n’ai pas de cocon tranquille et sans bruits, ni de moment réservé, pour écrire. J’écris, comme Doctorow le faisait à l’époque où il travaillait pour la E.F.F., quand je peux, ce qui implique que je trimballe partout mon mac.

J’essaie également de développer cette habitude (certains diraient ce muscle) de l’écriture, tous les jours, quoiqu’il arrive. Et c’est vrai que cela facilite grandement l’écriture, dans le sens qu’en quelques semaines, il n’est nullement difficile d’atteindre le compte de mots que je me suis fixé.

Une petite différence, cependant: si je crois également qu’il faut s’arrêter au milieu d’une idée ou d’une phrase, parce que cela facilite la reprise de l’écriture le lendemain, j’ai tout de même du mal à avancer vite si je n’ai pas l’idée de ce que je vais écrire un peu en avance.

En gros, cela veut simplement dire que je fais partie des outliners, ceux qui ont du mal à écrire sans plan. D’où mon amour de Scrivener.

Mais plus sur ce sujet lors d’un prochain article.


Scrivener minimaliste

Quelques réglages pour faire de Scrivener un environnement d'écriture minimaliste.

Scrivener minimaliste
💡
Note: l'article original (2013) a été mis à jour avec des captures d'écran récentes.

Au fil des ans, Scrivener est devenu mon outil de prédilection dès qu’il s’agit de coucher des mots « sur le papier ». Pour être plus précis, si je ne suis pas sur l’un de mes ordinateurs mobiles (comprendre: iPad ou iPhone) et que ce que j’écris va dépasser la centaine de mots, cela va se passer dans Scrivener.

Organiser et réorganiser mes textes, lister et stocker des idées, conserver mes recherches (et les rendre accessibles, trouvables en trois clics, exportables), depuis la liste des articles pour le blog jusqu’aux romans de plus de 120,000 mots, tout passe maintenant par cet outil, qui rend simplement la vie d’auteur plus facile.

Se concentrer sur ses idées

J’ai aussi appris à apprécier un environnement minimaliste pour me concentrer sur mes idées et mon texte, et réduire le risque d’être distrait par une interface complexe, des couleurs vives, ou de passer mon temps à peaufiner les réglages de l'interface.

Le succès de logiciels comme ByWord ou iAWriter, qui sont des traitements de textes dépouillés (au bon sens du terme) est compréhensible de ce point de vue. Je les utilise d’ailleurs souvent pour des textes courts.

Mais je reviens vers Scrivener dès qu’il s’agit d’organiser mon texte, d’avoir des références sous les yeux, ou d’avoir la structure complète d’un projet plus complexe directement à l’écran, dans le même outil d’écriture qui me permet de travailler mes idées.

Scrivener, un outil d’écriture très complet

Seulement voilà: Scrivener peut aussi s’avérer très complet et complexe (pour être juste, si l’utilisateur le veut !)

Scrivener toutes voiles dehors.

L’intérêt de Scrivener n’est plus à démontrer (peut être fera-t-il le sujet d’un nouvel article plus généraliste), mais dans cet environnement complet, comment puis-je retrouver ce côté minimaliste qui me permettra de rester concentré sur mon histoire, et de transférer ce que j’ai dans la tête vers mon fichier texte ?

Unclutter

Unclutter, que l’on pourrait traduire librement par simplifier.

Scrivener propose une première solution simple, probablement initiée par ByWord: le mode composition (chez ByWord, on parlerait de plein écran).

Mode composition. Ici tout est personnalisable.Ne prêtez pas attention au texte insipide et bourré d’erreurs et de fautes que vous voyez s’afficher: il s’agit d’un brain dump.

On peut l’activer soit par le menu View > Enter Composition Mode, soit par le raccourci clavier ALT-⌘-F.

Ici, tout est personnalisable.

À commencer par la police. Personnellement, je préfère écrire en police à espacement fixe, et je suis tombé en amour devant la police utilisée dans iAWriter : Nitti Light, aussi l’ai-je installée dans les paramètres par défaut.

Modifier la fonte d’affichage du mode d’édition reste simple: il suffit de faire un petit tour par les préférences de Scrivener, sous l’onglet Formatting, puis sur le A qui symbolise le choix des polices.

Là, la fenêtre système de choix de police s’affiche. Il ne reste qu’à choisir la fonte, la taille, éventuellement la couleur si vous souhaitez la modifier.

Le reste des options est accessible directement depuis le mode composition. Si je glisse ma souris vers le bas, une barre de contrôle apparait.

Tout est réglable, avec, dans l’ordre, le zoom, la position de la page, la largeur de celle-ci, et même l’opacité du fond. Vous noterez aussi le mode machine à écrire et le mode focus qui permet de choisir de baisser l'opacité de tout ce qui n'est pas votre phrase, ou votre ligne, ou le paragraphe entier.

Se situer dans la structure d’un texte

Sur des textes plus longs, j’ai souvent besoin de faire référence à des points situés plus tôt dans l’histoire, ou encore de situer la scène dans la structure du document complet. La magie de Scrivener opère, et je peux facilement accéder à ces outils que sont le Binder ou l’Inspecteur (avec ses notes et ses options) en un coup d’œil.

Mais la barre d’outils, avec ses icônes colorées, la barre de mise en forme du texte ou bien même le Binder avec ses onglets vifs peuvent vraiment être une source de distraction.

Enlever ce dont on n’a pas besoin

C’est aussi la force de cet outil: on peut en faire ce que l’on veut. Aussi, virons tout ce dont nous n’avons pas besoin !

Ma police de travail, sa taille et sa couleur ont déjà été choisies dans les préférences. Je n’ai donc pas besoin de la barre de mise en forme, surtout que celle de mon texte de sortie peut être complètement différente (et ce sera le sujet d’un prochain article).

⇧-⌘-R ou le menu Présentation > Edition du texte > Masquer la barre de mise en forme permet de cacher (ou montrer) la barre de mise en forme.

Tant qu’on y est, je n’ai pas besoin non plus de la règle : ⌘-R ou le menu juste à côté, et voilà.

Et puis masquons ou affichons le Binder et l’Inspector à la demande :

  • ⌥-⌘-B pour cacher ou afficher le Binder
  • ⌥-⌘-I pour cacher ou afficher l’Inspector

Interface minimaliste

Voilà, j’ai donc une interface minimaliste, me permettant de me concentrer sur mon texte, mes idées, ou mon histoire.

Et avec un ou deux raccourcis clavier, je peux voir où j’en suis dans mon histoire par exemple en affichant le Binder , ou encore les notes associées à ce chapitre particulier, en affichant l’inspecteur.

C’est le meilleur des deux mondes: la simplicité d’un outil de saisie à la ByWord ou iAWriter, et les boites à outils de l’auteur fournies par Scrivener à portée de raccourcis clavier.