Le psychologue et sociologue Robert Levine propose une appréhension intéressante du temps. Selon lui, il y a deux approches au temps: le « temps-horloge » et le « temps-événement ».
Certaines cultures travaillent avec le temps-horloge: les gens font les choses qu'ils ont à faire en fonction de l'heure qu'il est. Le déjeuner est à telle heure, la prochaine réunion à telle autre heure. Les cultures qui ne fonctionnent pas sur une approche temps-horloge ont tendance à fonctionner sur un rapport temps-événement. Le déjeuner aura lieu quand on a faim, la réunion après le déjeuner. Elle durera jusqu'à ce que l'objectif soit atteint, et si on n'a pas faim d'ici là, on commencera alors la réunion suivante. De cette manière, les événements peuvent tout à fait être décalés dans le temps. C'est un modèle que les gens habitués à fonctionner avec l'autre approche (avec un rapport au temps - à l'heure - important) ont du mal à accepte.
Si l'on veut être efficient, l'approche temps-horloge est la meilleure. Si l'on veut être efficace, l'approche temps-événement est la meilleure.
Pour tous les travaux créatifs, l'approche temps-événement est la plus adaptée. La créativité est différente de la pensée analytique (où l'approche temps-horloge est plus indiquée), elle demande une pensée par découvertes (c'est l'idée lumineuse qui apparait soudain, comme par magie) et l'approche temps-événement y est plus propice. En plus, cette approche favorise la pensée positive, elle enlève ou élimine la sensation d'oppression temporelle créée par les environnements de travail en entreprise (par définition pressés par le temps pour respecter le calendrier de production).
La plupart des gens switchent entre les deux modes en fonction de la tâche à accomplir, sans s'en rendre compte. Quand vous êtes devant quelque chose qui demande de la qualité et de la créativité, il faut passer à cette approche temps-événement.
J’ai mis à disposition de Plein Accès tous mes livres publiés à ce jour afin de les rendre accessibles à toutes les personnes ayant des difficultés de lecture.
Mars 2025. Le Salon du livre de Genève bat son plein, et je partage le stand du Gahelig (Groupe des Auteurs Helvétiques de Littérature de Genre) pour une heure et demie de dédicaces. Il y a beaucoup de monde et la fatigue commence à se faire ressentir en ce début du troisième après-midi. Une jeune femme s’approche, elle attire mon attention, car, de toute évidence, elle est malvoyante. Je ne me souviens plus vraiment ce qui se passe dans ma tête, mais une des questions les plus probables est de savoir comment elle peut apprécier un tel événement si elle ne peut pas avoir accès aux livres.
Et c’est une très bonne question (merci de l’avoir posée).
Très vite, la glace est rompue, et après quelques échanges sur mes livres, Céline Witschard se présente et m’explique l’association Plein Accès, dont le but est de mettre à disposition des personnes en difficulté de lecture le maximum de livres. Une fois qu’elle a récupéré un texte, Plein Accès se charge de le convertir en différents formats comme l’audio, l’e-book avec polices adaptées et de multiples autres formes, de manière à ce que ces personnes puissent lire l’ouvrage. Elle rend l’ouvrage accessible ensuite au travers du catalogue numérique Mona Lira Du côté du lecteur, une petite cotisation (de l’ordre de 5 CHF) donne accès à tout le catalogue que propose l’association (on parle de magazines, de livres de non-fiction, d’œuvres de fiction, etc.). Et il ou elle peut choisir le format qui lui convient le mieux pour accéder au texte de la manière la plus adaptée à ses difficultés.
Je résume à la hache, ici (si vous me pardonnez cette expression). Si vous souhaitez en savoir plus, tournez-vous vers l’épisode 14, saison 2 de Duo de Plumes. Car après notre discussion avec Céline, Catherine et moi voulions en savoir plus, et surtout pouvoir présenter l’association à un maximum de personnes. Car le nombre d’ouvrages disponible dans leur catalogue est encore trop réduit, notamment pour la littérature de genre.
J’ai donc mis à disposition de Plein Accès tous mes livres publiés jusqu’à aujourd’hui afin de contribuer au catalogue, et si vous êtes auteur, je vous encourage à prendre contact avec eux et à faire de même:
Fin juin 2025, j’étais l’invité de Flavio Dìas pour son émission Le Fil Rouge, sur Red Line Radio. J’ai passé un très bon moment, ne voyant même pas le temps passer alors que l’interview a duré plus d’une heure.
On a parlé d’écriture, évidemment, de mes romans, de mes inspirations, de mes débuts et de mes projets, mais aussi de musique, du podcast. Dans une ambiance chaleureuse (et une chaleur bien présente, en pleine période de canicule), toute l’équipe a su me mettre à l’aise pour donner cette heure d’émission très conviviale.
Le Conseil Fédéral Suisse veut faire une révision liberticide de la Loi sur la suveillance de la correspondance pa poste et télécommunication.
Il faut réagir.
Le Conseil fédéral suisse propose de modifier la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT). La Suisse, réputée pour sa neutralité et son respect pour la vie privée, risque de devenir le mauvais exemple du continent européen.
À la suite de cette proposition, quelques polémiques se sont levées, notamment sur le positionnement de certains acteurs technologiques comme Proton AG et Infomaniak. En l’occurrence, ils ont une position très différente : Andy Yen, CEO de Proton, menace de quitter la Suisse si la révision de la loi était adoptée, là où (je paraphrase) Infomaniak ne voit pas le problème.
Infomaniak utilise un argumentaire discutable, proposant un chiffrement sans anonymat. Selon eux, le problème n’est pas de protéger le contenu du message, mais le modèle d’affaires de Proton AG, basé sur l’anonymat. La révision de la loi concerne, en fait, la mise à disposition des métadonnées.
Le contenu de mes messages pourra rester invisible sauf pour mon ou ma destinataire. Tout va bien, donc ?
Non.
Les métadonnées sont un risque majeur pour la vie privée.
Elles révèlent des informations extrêmement intimes : qui vous avez contacté, quand, depuis quelle IP (où), entre autres choses. Les métadonnées peuvent être aussi révélatrices, voire plus dangereuses que le contenu des messages.
Avec les métadonnées, on (!) peut savoir que vous avez reçu un message d’un service de dépistage du VIH, que vous avez contacté votre médecin juste après, que vous avez visité le site d’un groupe de soutien… Et en faire des déductions faciles à interpréter.
En les laissant accessibles, il devient facile de dresser un portrait fidèle du comportement d’une personne, de ses relations sociales, des préférences privées et même de son identité.
Ce que propose cette loi, c’est d’obliger les fournisseurs de moyens de communication suisses de collecter systématiquement ces données, sur tout le monde, en tout temps, et de les conserver au cas où la justice en aurait besoin.
Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?
Dans un tel contexte, quelques dérives possibles et impacts me viennent très vite :
profilage et discrimination de certains groupes
ciblages de dissidents ou opposants politiques
ciblages d’activistes
effet douche froide pour la liberté d’association (une forme d’autocensure)
protection des sources pour les journalistes, protection des journalistes et de leur correspondance
contrôle social par peur de la surveillance
dérives autoritaires : surveillance de masse, escalade répressive (une fois les outils en place, il est trivial d’étendre leur usage)
Liste non exhaustive.
Il y a l’argument de la justice : les criminels utilisent aussi les communications chiffrées et cela rend le travail de la police et de la justice difficile. Mais c’est désormais prouvé : la surveillance de masse n’apporte strictement rien en matière de sécurité. Les évaluations gouvernementales montrent que ces programmes n’ont pas permis de prévenir des attentats.
La solution existe déjà : la surveillance ciblée sous contrôle judiciaire. Et le renseignement humain. Un travail de police, ciblé, mandaté par un juge, dans le cadre d’une enquête officielle.
Sorti de cet argument, la collecte de ces informations offre un autre danger : celui du piratage. Le simple fait que ces collections existent va agir comme un aimant à cyberattaques, qui si elles réussissent, vont mettre nos métadonnées (nos profils) à disposition du plus offrant. Un exemple simple : vous êtes réfugié politique, pensant avoir trouvé en Suisse la sécurité vous permettant de lutter contre la répression dans votre pays d’origine. Lequel pays va pouvoir racheter ces métadatas piratées, et, en gros, vous retrouver facilement. Sécurité ?
Les métadonnées ne sont pas des « données mineures » — elles constituent un dossier complet de notre vie privée, nos relations, nos opinions, notre santé, nos déplacements. Donner un accès gouvernemental illimité aux métadonnées, c’est accepter une surveillance totalitaire déguisée.
L’histoire montre que ces pouvoirs sont invariablement abusés, même dans les démocraties. Le risque n’est pas hypothétique : il s’agit d’une menace directe pour la liberté d’expression, d’association, et pour le principe même de la démocratie.
Demandons au Conseil fédéral de ne pas poursuivre ce projet de révision. Faites connaitre votre position en signant la pétition numérique sur campax :
Pour la deuxième année consécutive, j'ai la chance d'être présent et de pouvoir dédicacer au SDL. J'avais passé un excellent moment l'année dernière, allant de rencontres en dédicaces et d'explorations en surprises. Et le tout, avec les copains du Gahelig (pour ceux qui ne suivent pas: le Groupe des auteurs Helvétiques de Littérature de Genre).
2024, déjà de bons moments!
Cette année sera donc du même acabit, je l'espère, avec peut-être un peu plus d'activité. Voici les moments où vous pourrez me retrouver (en dehors des balades dans les allées et les files d'attentes pour quelques dédicaces, car, oui, je aussi un fan).
Jeudi 20 mars : dédicace sur le stand du Gahelig (D58), de 10h à 19h (amenez-moi un cookie!)
Vendredi 21 mars:
10:00 à 10h45 sur le stand du Gahelig (D58)
11h à 12h : atelier interview avec la RTS
13:00 à 14:30 sur le stand du Gahelig
16:00 à 17h30 sur le stand du Gahelig
Samedi 22 mars:
10:00 à 13:00 sur le stand du Gahelig
16:00 à 17:30 sur le stand du Gahelig
18:45 à 20:00 sur le stand du Gahelig
Vous pouvez retrouver ces infos également sur la page auteur sur le site du Salon du Livre, et, oui, je suis à la page 42 dans la liste des auteurs: vous avouerez que c'est un signe.
En dehors de ces moments fixés dans le temps, nous allons enregistrer quelques interviews "spontanés" au fil de nos découvertes, avec ma complice Catherine. Si vous nous voyez déambuler dans les couloirs avec un enregistreur et un micro, faites-nous coucou !
Oh ! Et Catherine, justement, a publié un chouette manuel de survie pour le SDL, sur sa newsletter. Allez voir, c'est indispensable 😂
Tous mes livres seront disponibles si vous souhaitez une dédicace, et sinon passez me voir juste pour discuter, j'en serais ravi.
Un bilan de mes lectures sur l'année 2024. J'avais déjà fait l'exercice en 2020, et je trouve intéressant de se retourner pour voir les progrès et les changements.
Eh bien, je ne sais pas comment j’ai fait, mais j’ai réussi à trouver un peu plus de temps pour lire cette année. Ce n’est pas si évident : entre mes trois (!) jobs, l’écriture de mes romans et la production du podcast Duo de Plumes, le temps est une denrée rare. Et je vais rajouter un nouveau projet secret cette année (chut !). Je suis curieux de voir comment cela va impacter mes lectures. Je peux faire un premier constat, cependant : plus je lis, plus je lis vite. Oui, ce n’est pas vraiment une découverte, mais je suis content de le constater. Le second, c’est que je prends de plus en plus de notes sur mes lectures, et même s’il s’agit de fiction. C’est un point qui me fait plaisir, parce que je veux retenir quelque chose de concret de ces livres, en plus du plaisir de lecture.
Un total de 37 livres pour l’année, donc. Le graphique précédent permet bien de voir l’évolution, et même s’il y a des artefacts (2020, 2022), ils sont facilement explicables.
Voyons comment ces lectures se répartissent.
Je n’ai pas fait l’exercice depuis 2020. Mais cela peut être intéressant de comparer, puisque j’avais lu une quantité similaire de livres (37).
Concernant le support de lecture, j’ai une préférence pour le format broché, qui s’accentue par rapport à 2020, où j’étais presque à moitié-moitié. À noter l’essai d’un audiobook, Supercommunicator, mais je ne suis pas encore convaincu. Indice : comment prendre des notes ?
Je pense que cela tient au fait que j’aime l’objet et que je lis stylo en main, pour prendre des notes. Cependant, ma façon de prendre des notes a changé, et cela va me libérer du format de livre. Je suis curieux de voir comment cela va évoluer en 2025.
Retournement par rapport à 2020 : je lis à nouveau plus en français. Moins attiré par les nouveautés, j’ai, du coup, le temps d’attendre les traductions ou bien elles existent déjà. J’essaie de faire attention à la qualité de celles-ci, et si j’ai peur d’être déçu, je me tourne vers l’anglais très rapidement.
Enfin, la répartition fiction/non-fiction a, là encore, changé. 19 romans de fiction, ce qui me met à répartition égale. En 2020, mes lectures étaient dominées par la non-fiction, et en anglais (ce qui confirme mon sentiment).
Un top 3
Quelles sont les lectures qui m’ont le plus marqué/emporté/convaincu ?
Demain et demain et demain, par Gabrielle Levin
We are Bellingcat par Eliott Higgins
The Creative Act par Rick Rubin
Note : petit à petit, je formate et collecte mes listes de lectures sur un site un peu plus personnel (vraiment orienté geek). C’est un travail en cours, avec des mises à jour au fur et à mesure que je trouve un peu de temps pour rattraper et formater ces notes. Mais vous pourrez les trouver à cette adresse si la démarche vous intéresse.
Ceux que j’ai relus
Cette année, je suis retourné vers deux livres (mais un seul est dans la liste). À chaque nouveau départ de projet d’écriture, je relis The War of Art, de Steven Pressfield. Cette année, en plus j’ai eu envie de retourner dans le monde de Cory Doctorow en relisant Attack Surface. C’est toujours intéressant de retourner dans certains livres qui vous ont marqué.
La liste
We are Bellingcat by Eliot Higgins
Descendant Machine by Gareth L. Powell
Being Logical by D.Q. McInerny
Le graal du diable par Giacometti Ravenne
Readme.txt par Chelsea Manning
Terres sauvages par Lionel Tardy
The Creative Act: A Way of Being by Rick Rubin
Waking up: a guide to spirituality without religion by Sam Harris
Excellent advice for living by Kevin Kelly
Klara et le soleil par Kazuo Hishiguro
La société de la fatigue par Byung-Chul Han
La chute du Léviathan - The Expanse 9 par James S.A. Corey
2k to 10k by Rachel Aaron
Supercommunicators by Charles Duhigg
La faille par Franck Thilliez
L’odyssée du sacré par Frédéric Lenoir
Mortimer par Terry Pratchett
L’espace d’un an par Becky Chambers
Superméchant débutant par John Scalzi
Writing to learn by William Zinsser
Demain, et demain, et demain par Gabrielle Zevin
Attack surface by Cory Doctorow
Reykjavik par Ragnar Jonasson et Katrin Jakobsdottir
Assasynth 5 par Martha Wells
Psychopolitique de Byung-Chul Han
Préparer la guerre par Olivier Schmitt
Journal d’un Assasynth 6 de Martha Wells
La clef et la croix par Giacometti et Ravenne
The Millionaire Fastlane by MJ DeMarco
Saturation Point by Adrian Tchaikovsky
Les Dépossédés par Ursula K. LeGuin
Les extradées par Nicolas Feuz
The mercy of Gods by James S.A. Corey
Montaigne par Stefan Zweig
Invisible Rulers by Renée Diresta
Slow productivity par Cal Newport
The Notebook A History of Thinking on Paper by Roland Allen
Une année de lecture intéressante, donc, car variée, et pleine de découvertes. Je me suis mis aux biographies, par exemple (Montaigne, Manning), j’ai aussi apprécié le format documentaire (Bellingcat).
Ma pile à lire n’a fait qu’augmenter, en revanche. C’est apanage de tous les lecteurs, et, comme le recommandait Umberto Eco, dans la bibliothèque idéale, vous devez avoir au moins deux tiers de livres que vous n’avez pas lus. Je suis en bonne voie.
On prend parfois un auteur comme modèle, mais s'il est prolifique, cela peut avoir l'effet inverse et nous bloquer.
En changeant de point de vue, on se rend compte que c'est tout à fait accessible.
Il y a des auteurs qu’on prend pour modèles. C’est comme cela qu’on commence à avoir envie d’écrire (en tout cas c’est mon cas, j’en parle dans l’un des épisodes de Duo de plume).
Parfois, l’effet est inverse. Quand on voit la production de plusieurs de ces modèles, on peut se bloquer, se dire que jamais on n’atteindra ce niveau. Que ce soit du côté de la qualité littéraire, du storytelling, ou de la quantité.
Je pense à Georges Simenon (plus de 400 romans), Jules Vernes (60 romans), Camus, Zola. Plus proche de nous (et parmi mes écrivains de polar préférés), Maxime Chattam, Jean-Christophe Grangé ont un rythme soutenu depuis de nombreuses années.
Si l’on veut trouver une définition, on pourrait dire qu’un auteur prolifique publie un à cinq livres par an, depuis plusieurs années. Et une telle production peut paraître inaccessible, et peut bloquer. C’est dans ce sens que je parle de l’effet inverse du modèle.
Pourtant…
Si l’on compte en nombre de mots publié, histoire de faire quelques divisions sur un coin de table, cela représente 120 000 à 500 000 mots par année (jusqu’à 3 millions de caractères espaces comprises).
C’est énorme (?)
Mais quand on ramène cela à la journée, cela représente 1370 mots. Au bas mot, c’est une heure et demie d’écriture tous les jours.
Quatre-vingt dix minutes quotidiennes, et l’on peut être considéré comme un auteur ou une autrice prolifique.
Et moi, quand observe ce phénomène sous cet angle, cela semble plus accessible.
Parce que l’écriture est au cœur de ma vie, je sais que trouver une heure et demie par jour, ce n’est rien.
Il y aura des mauvaises langues pour vous dire que « coucher les mots sur le papier », ce n’est pas tout : pour publier un livre, il y a aussi les phases d’édition, la recherche d’un éditeur ou d’un moyen de publier, les corrections, la création de couverture, le marketing, le réseautage… Ouaip. Oui, c’est sûr.
Mais ça doit commencer par là : l’écriture. Sans le texte, sans un flux de nouveaux mots de fiction originaux, il n’y a rien, à part des excuses. Ajoutons à cela le fait qu’écrire plus permettra d’affiner son jugement, de trouver son style, d’augmenter la qualité des fictions que l’on produit.
TL;DR: Je serais présent au Festival Arcana les samedi 14 et dimanche 15 septembre 2024. Venez discuter et vous faire dédicacer un de mes livres !
Arcana est Le festival suisse du fantastique et de l'émerveillement. On y retrouve plus de 200 exposants et artistes, sur plus de 35'000 m2 de surface, à Morges en Suisse. C'est le plus grand festival sur le fantastique de Suisse romande.
Et j'aurais le plaisir de partager le stand avec mes amis du GAHeLiG ! Nous serons disponibles pour dédicacer, discuter, boire un coup et apprécier toutes les activités que proposent le festival.
Après une longue période de développement, cette histoire, que je prévoyais en trois tomes, voit finalement le jour sous la forme d'une duologie. Oui, je sais, ce n'est pas vraiment un mot qui existe, mais cela permet de faire le parallèle avec une trilogie.
Les précommandes sont disponibles dès le 30 août !
Une sacré aventure que ce texte. J'avais beau retourner l'histoire dans tous les sens, le troisième tome aurait été étiré presque artificiellement, emmenant mes personnages dans un passé trop lointain. Cela ne servait pas l'histoire. Alors j'ai retroussé mes manches (vous voyez l'image) et j'ai reconstruit l'arc narratif au global pour que le tout tienne en deux tomes.
Et je pense que j'ai fait le bon choix. Les deux volets sont plus cohérents, l'histoire bien mieux tenue, et on peut presque lire les deux indépendamment.
Croisons les doigts pour que cet opus rencontre lui aussi ses lecteurs !
DREAM est un outil pour développer les arcs narratifs des personnages
À la base de toutes les histoires, il y a les personnages, leurs besoins et leurs désirs. Au début, ils sont dans un certain état (leur situation sociale, leur vision du monde, leur entourage, etc.), et, passés les rebondissements de l’aventure qu’ils vivent tout au long du roman (de la nouvelle, de la blague), ils en ressortent changés. Cette évolution du personnage, les anglophones l’appellent character arc.
L’écoute du podcast Writing Excuses (que je vous recommande, au même titre que celle de Procrastination) cet après-midi, m’a permis de découvrir un nouvel outil pour appréhender cette évolution des personnages. Il tient en un acronyme : DREAM.
DREAM est un aide-mémoire pour
Denial : le Déni
Resistance: la Résistance
Exploration: l'Exploration
Acceptance: l'Acceptance
Manifestation: la Manifestation
A l’origine décrit par Elisabeth Boyle, dans le cadre de la romance (puisque c’est sa spécialité), on se rend compte qu’il peut être utilisé pour toute forme d’évolution de personnage. Confronté à un désir ou un problème, le personnage va d’abord être dans le déni, puis va résister, tenter la solution, accepter le nouvel état et la manifestation va être l’action qui va en résulter.
Prenons l'exemple, juste pour la démonstration de Luke Skywalker. Lorsque Luke apprend qu’il est un Jedi, il commence par refuser : ce n’est pas possible ; il est fils de fermier, et surtout, son rêve est de devenir pilote, pas de rentrer dans un ordre pseudo-religieux. Puis il résiste : il doit aider son oncle à la ferme, et dès que possible, il partira pour apprendre à piloter. Au fil du temps, Luke explore la possibilité que ce soit possible: aux côtés de Ben Kenobi, il commence à sentir la force en lui. Lors du dernier combat, il finit par accepter la force et sa propre évolution, la manifestation étant son exploit permettant de détruire l’Étoile noire: il vise sans les assistance informatiques de bord, pour le dernier tir possible pour y arriver.
Les étapes sont obligatoires, l’une permettant de passer à l’autre. On ne peut pas passer du déni (« je ne suis pas un Jedi ») directement à (« je vais quand même voir un peu ce que c’est que d’utiliser la force »), sans passer par la phase de résistance active, et ainsi de suite.
DREAM est un outil intéressant à avoir dans sa trousse d'écrivain. J'imagine l'utiliser pour détecter un oubli, identifier quelque chose qui clocherait dans l’évolution d’un personnage, en prenant un peu de recul devant son parcours et en identifiant les différentes phases de son arc narratif face à un problème.
Je ne pense pas l’appliquer pendant l’écriture (en tout cas durant l'écriture du premier jet), mais ce peut être très utile pendant l’élaboration du plan, ou bien après, à la recherche de problème(s) sur un manuscrit déjà écrit.
Il y a ceux qui corrigent au fur et à mesure qu'ils écrivent. Je pense qu'ils ont tort. Ecrire et corriger en même temps, c'est étouffer la créativité.
À l’occasion des enregistrements de notre podcast, nous discutons souvent cuisine interne avec ma complice Catherine Rolland. Comparer les façons de travailler et les habitudes d’écriture est toujours intéressant. Catherine, par exemple, produit des premiers jets de très bonne qualité, qui ne nécessitent que peu de corrections par la suite.
Et j’en suis incapable.
Pourtant, dans nos livres, nous proposons tous les deux à nos lecteurs l’éclat d’un texte peaufiné, travaillé et corrigé pour atteindre la meilleure qualité possible.
Comme beaucoup d’autres écrivains, Catherine corrige au fur et à mesure de son écriture, dès la première version. Pour ma part, je suis un partisan de ce que je nomme l’Ébauche Découverte. Quand j’écris mon premier jet, je déverse toutes mes idées sur la page sans me préoccuper de la qualité ou de corriger les fautes.
Je sépare le moment de l’écriture du moment de la correction.
Si vous corrigez et écrivez en même temps, vous étouffez votre créativité.
Avant tout, j’ai besoin de me raconter l’histoire à moi-même, de la sortir le plus vite possible en suivant ma structure (et en la faisant évoluer). Ce premier jet ne sera de toute façon lu par personne d’autre que moi. Il est criblé d’annotations, de commentaires, de points de recherche. En fait, j’ai veux conserver l’élan pour arriver au bout de mon roman.
Si je commence à corriger les fautes de frappe, d’orthographe et de grammaire, l’ordre des mots, je perds cet élan et la concentration qui allait avec ; je sors du flow. Et c’est encore pire si je dois faire une recherche au moment du premier jet. En me demandant si les huissiers de l’Élysée portent une cravate ou un nœud papillon, je me retrouve en trois clics à traîner sur un blog anglais ou plus chronophage, sur YouTube. Trois heures plus tard, je n’ai rien avancé (et il n’est pas garanti qui j’ai la réponse à ma question).
Je sais qu’il y a matière à discussion : pour certains auteurs, il est inconcevable de laisser passer ne serait-ce qu’une faute de frappe — elle est là, je la vois, deux ou trois mots en arrière, alors pourquoi ne pas la corriger tout de suite ? Ils prennent le temps de cette correction, et ce qui est certain, c’est qu’ils produisent un premier jet bien plus « propre » que les miens.
Mais cela ne correspond pas à ma façon de travailler, en fait, j’en suis incapable. Il est possible que j’aie un sérieux déficit de l’attention, mais je crois que cela peut arriver à tous, bien plus facilement qu’on ne le pense. C’est pourquoi je ne m’attache plus à la forme lors de ce premier jet, qui devient pour moi l’ébauche découverte. Rien ne doit interrompre cette lancée et j’ai une tactique pratique, si je tombe sur une question au cours de l’écriture. Comment s’appelait ce personnage secondaire, déjà ? Comment s’écrit « myriade » ? Il faut que je détaille plus la description, ici. Quand cela arrive (souvent), j’utilise une combinaison de lettres rarissimes dans la langue usuelle : TK ; il me suffit ensuite de faire une recherche dans mon texte pour trouver les endroits à corriger ou à compléter après quelques tours sur les internets.
Corriger fait appel à la partie analytique du cerveau. Écrire utilise la partie créative.
Faire les deux en même temps, c’est comme conduire un bolide avec les pieds à la fois sur l’accélérateur et la pédale de frein.
Je fais donc tout pour ne pas interrompre mon écriture (on reviendra sur les bases, comme le portable dans une autre pièce, couper l’accès wifi ou même passer à une machine à écrire dédiée… dans un prochain article).
Pour citer un maître :
Write first, edit later. — Stephen King
Peut-être que ce n’est pas pour tout le monde. Pour ma façon de travailler, l’ébauche découverte est ce qui me correspond le mieux.
Quelle est la plus importante des ressources dont nous disposons, vous et moi ? Ce n’est pas l’argent, ce ne sont pas nos connaissances ni nos relations. Notre ressource la plus précieuse est notre temps.
Le temps passe inexorablement, et l’on ne peut pas en créer de nouveau : une fois « dépensé », il est impossible de le récupérer. Quand on y réfléchit, toutes les autres ressources peuvent être recréées ou fabriquées (avec du temps).
J’ai abordé le problème du point de vue de l’écriture dans un précédent article. En tant qu’auteur, l’une des pistes à explorer pour sortir de l’obscurantisme et toucher plus de lecteurs, c’est d’écrire plus. Pour cela, il faut du temps. Par voie de conséquence, c’est un sujet de recherche constant, et je collectionne les idées récoltées au fil des lectures, des articles et des vidéos.
Voici en quelques points un résumé de l’état d’esprit qui me permet de mieux gérer mon temps.
Hell yes or no!
Un concept que j’ai découvert via Derek Sivers, et qui permet de protéger son temps. On vous propose un nouveau projet, vous demande de participer à quelque chose ? La réponse par défaut devrait être non. C’est seulement si cela vous donne envie de dire « mais tellement oui ! » que vous y consacrerez du temps.
Il m’est arrivé de nombreuses fois de dire oui à un projet pour de mauvaises raisons. Pour aider quelqu’un, ou bien à cause de l’idée qu’on se fait du travail en question (souvent décalée, ou carrément fausse), ou encore pour un (faux) sentiment de culpabilité. Et je me retrouvais à utiliser mon temps pour quelque chose qui n’en valait pas la peine, au détriment de mes propres projets.
Je suis certain que cela vous est déjà arrivé. Cherchez bien : c’est même très courant. Savoir dire non est l’une des plus importantes compétences à acquérir.
Deep work
La traduction littérale, « travail profond » n’est pas élégante, je lui préfère la version originale, mais le concept est le même. Il s’agit de tout travail effectué dans un état de concentration sans distraction, qui pousse les limites des capacités cognitives. L’idée s’approche du flow du psychologue Mihaly Csikszentmihalyi ; cet état dans lequel on plonge dans les grands moments de concentration, durant lequel la notion de temps s’efface et qui produit un sentiment de satisfaction important. On l’éprouve en codant, en s’entraînant, et pour ma part, je cherche à être dans le *flow* en écrivant.
Si le concept vous intéresse, voir cet article analysant le livre de Mihaly Csikszentmihalyi.
En complément de ce concept, la notion de coût cognitif associé au changement de tâche est importante à comprendre. Le simple fait de passer d’un travail à un autre, d’une tâche à une autre, dépense de l’énergie cognitive (du temps de cerveau).
Dans la pratique, j’essaye de pratiquer ces deux concepts en travaillant sur mes projets importants en tout premier (cf. « 3-2-1 »), et tous les jours, et en minimisant les interruptions : téléphone dans une autre pièce, outils permettant de n’avoir aucune notification ni aucune possibilité de distraction.
80/20mindshift
Vilfredo Pareto (1848 – 1923), un économiste et sociologue italien, est l’inventeur de la loi de Pareto, également connue sous le nom de règle des 80/20. Cette loi stipule qu’environ 80 % des résultats proviennent de 20 % des causes.
J’essaie de garder cela en tête en plaçant le plus d’effort sur les 20 % qui donneront les meilleurs résultats. Ce concept peut s’appliquer à priori dans tous les domaines, et donc aussi à l’écriture.
3-2-1
C’est une façon de répartir et d’organiser les tâches à faire, et qui s’interface avec les autres principes énoncés plus haut (la loi de Pareto et le concept de deep work).
Pour simplifier, si j’ai une journée de travail de 6 heures devant moi, je vais consacrer les trois premières heures au projet ou à la tâche la plus importante, les deux suivantes à la seconde plus importante et la dernière heure aux plus petites activités, de moindre importance. C’est la répartition qui est importante, donc si je n’ai que trois heures à disposition, cela ferait 90 minutes, 60 minutes et 30 minutes.
Ce découpage permet d’être plus efficace, et donc de passer moins de temps pour accomplir le même travail.
D’autres astuces en vrac.
Il y a des gens qui, quoi que vous fassiez, vont consumer votre énergie. Souvent, ils ne s’en rendent même pas compte. Je les appelle des vampires d’énergie, et j’essaie de leur échapper au maximum.
Une bonne façon de voir les choses est aussi de calculer son taux horaire. C’est une vision plus orientée business, mais cela permet d’estimer la valeur de son temps en faisant une sorte de conversion. Si ce que vous êtes en train de faire rapporte moins que votre taux horaire, alors vous devriez considérer de le déléguer ou de louer les services de quelqu’un pour le faire à votre place, et utiliser votre temps pour une activité qui rapporte au moins autant que votre salaire horaire.
L’automatisation est la clé en matière de gestion de temps. S’il est possible d’automatiser un processus, et ainsi d’éviter de le répéter (et donc de perdre du temps), alors il vaut mieux le faire ; c’est un investissement en temps qui va en fait en libérer plus tard. Si l’on étend cette façon de voir, il faut dans l’idéal créer des systèmes pour presque tout (sauf peut-être ce qui est créatif). Par exemple, j’ai établi un système pour ne rien rater des différentes phases de correction d’un manuscrit. J’en ai un autre pour la création de mes ebooks, qui décrit étape après étape, ce que je dois faire pour ne rien oublier dans ce processus parfois complexe.
Enfin, essayons de garder en tête un mantra qui fonctionne encore une fois mieux en anglais : « health = wealth » (littéralement et de manière maladroite, « la santé c’est la richesse au sens large »). De nombreuses études ont démontré que l’activité physique stimule les capacités cognitives, créatives et intellectuelles ; en fait elles sont étroitement liées. Entretenir son corps permet donc d’être au meilleur de ses capacités à la fois physiques et intellectuelles. Entretenir sa santé mentale va dans le même sens, et je ne saurais trop conseiller à tous ceux que je croise de penser aux deux.
Pour conclure, faites comme moi, un tour de ce qui se fait de mieux dans la gestion du temps de manière à trouver ce qui vous convient, et appliquez ces conseils pour en mesurer les effets.
En 2011, j’avais une superbe idée pour un thriller technologique. Je ne savais pas comment m’y prendre, et jamais je n’avais attaqué un aussi gros projet d’écriture. J’imaginais qu’il me faudrait six à huit mois pour finir le livre. Trois ans plus tard, je publiais ce qui allait devenir mon premier roman : Totem.
Après des débuts intéressants (« Wow ! D’autres personnes que la famille et les amis sont intéressés ! Wow ! Des commentaires ! Wow, des bons commentaires !! ») et la satisfaction d’avoir mon premier roman dans les mains, j’ai compris que je voulais continuer, c’est-à-dire écrire et publier le plus possible, parce que j’adorais le processus entier, depuis l’idée jusqu’au produit final, le livre.
Très vite, écrire est devenu un besoin.
Dans le même temps, si j’écris, c’est pour mon plaisir aussi bien que pour celui des autres, ceux qui ont passé un bon moment avec ce premier bouquin, qui pourraient aimer le suivant et d’autres romans que j’écris. Petit à petit, l’envie de toucher plus de lecteurs me gagne, ce qui nous amène au réel problème de tout écrivain.
Le problème de tout jeune auteur est de faire connaître son travail.
Le problème des jeunes écrivains c’est l’obscurantisme. En 2009 déjà, j’ai eu la chance d’avoir une réponse de l’un de mes écrivains fétiches, Cory Doctorow, au mail que je lui ai envoyé à l’époque. L’une des conclusions était précisément ce point ; en fait, il s’agit de rendre nos textes accessibles au plus grand nombre.
Quand l’un de tes auteurs préférés prend le temps de te répondre…
Il existe différentes possibilités pour augmenter sa visibilité (voir cet article de J.F. Penn), mais souvent sur un point qui ressort plus souvent que les autres : il faut publier plus, et donc il faut écrire plus. Non seulement cela augmente votre visibilité, mais vous allez améliorer votre écriture.
Alors, ça tombe bien : j'aime ça, écrire. Mais… (parce qu’il y a toujours un mais).
⌾⌾⌾
Le dayjob
Me v’là beau.
Non, parce que la grosse majorité des écrivains ne peut pas vivre exclusivement de son écriture et a un travail alimentaire — les anglophones, avec ce sens de l’efficacité linguistique, utilisent le mot dayjob. Bien entendu, je ne fais pas exception.
Vous me voyez venir avec mes gros sabots qui laissent des traces dans le beurre. Je n’ai pas réussi à écrire mon premier roman en moins de deux ans, et il faudrait que je trouve du temps – encore plus de temps – pour écrire plus !
Au fil des jours, j’avais mis en place une routine bien rodée qui me permettait d’écrire mille mots par jour. La quantité n'est pas le plus important, ce qui compte est bien la régularité. Mais ça n’a pas raté : elle a volé en éclats avec la prise de nouvelles fonctions professionnelles dans le dayjob… Qui m’ont bien occupé deux ou trois années.
Il faut bien manger, ma bonne dame. Et puis en plus, je l’aime bien, mon dayjob.
Comment faire, alors, pour dégager du temps ?
« Voler » du temps pour écrire.
Certains, comme Sophie Gliocas dans sa chouette newsletterGang de Plumes, étudient le problème à leur façon, et Sophie tombe sur une évidence : si écrire est un besoin, il va falloir faire des sacrifices.
C’est là où cela devient compliqué (et non complexe), parce qu’à chacun sa vie, et donc à chacun ses solutions. Vous devrez piquer des idées chez les autres, les mélanger aux vôtres et en ressortir un système qui fonctionne pour vous. Je partage ici quelques trucs qui ont fonctionné pour moi, cela peut vous servir de point de départ.
Pour ma part, à force de bricoler, j’ai trouvé des petites astuces bien personnelles, piquées à droite et à gauche, et qui peuvent éventuellement aider à écrire plus. En vrac, je vide le sac :
Changer ses horaires (d’écriture) : écrire tard le soir, ou bien tôt le matin peut vous permettre d’écrire mieux, donc d’écrire plus vite (donc plus). J’ai essayé pendant un temps de me lever à 5 h et de consacrer une heure devant mon clavier avant tout le reste. Pendant une autre période de ma vie, j’étais un oiseau de nuit, travaillant après 22 h. J’ai maintenant coupé la poire en deux et je fractionne… Parce que c’est plus adapté à mon mode de vie.
Écrire en groupe : le fait de devoir rendre des comptes, tenir ses engagements peut vous aider à garder une certaine motivation et faire taire la petite voix qui s’exprime dès que l’on s’approche du clavier. C’est celle qui dit : « Netflix, Neeeetfliiiiix ! » (remplacez par votre moyen de procrastination préféré). Rendre des comptes peut rabaisser le caquet à cette petite voix, c’est un ressort psychologique très utile. Vous pouvez rejoindre un groupe d’écriture, participer au NaNoWriMo ou avec des amis. Mais ce n’est pas obligatoire non plus : publier son compte de mots journalier quelque part peut suffire (c’est le cas de Doctorow qui poste ses progrès sur son compte Mastodon par exemple, ou créer une barre de progression sur son site personnel…) Dernièrement, c’est la barre de statistiques de Scrivener qui me pousse de manière très efficace : une fois que la machine est lancée, je profite de l’élan.
Écrire en fractionné : à la pause midi, dans les transports, quand vous avez cinq minutes par-ci, cinq minutes par là. Petit à petit, les mots s’accumulent dans la journée et vous pouvez atteindre vos objectifs sans bloquer un grand moment.
Écrire même quand on n’écrit pas : un peu de temps en voiture durant lequel vous pouvez réfléchir à la prochaine action de vos personnages, à résoudre des problèmes sur la structure de votre histoire, etc. En fait, même quand on n'écrit pas, on écrit.
En bref, toutes ces techniques permettent de récupérer un peu de temps là où l’on pensait ne plus en avoir, et retrouver une certaine régularité d’écriture. Je persiste dans cette idée, je pense que créer l’habitude d’écrire est ce que vous pouvez faire de mieux pour avancer dans votre projet.
Bien sûr, cette préoccupation de la production est très anglo-saxonne. Je n’ai pas encore trouvé de blog d’écrivain francophone qui décrit ses habitudes d’écriture, ses problèmes, les coulisses. C'est aussi pour cela que je publie ces articles sur mon site.
Trouver du temps pour écrire, même lorsque l'on court deux boulots dans la même journée et qu'il faut s'occuper des enfants, a été pour moi une histoire de priorité (et donc, de sacrifices). Identifier tous ces moments où je peux glisser l'écriture dans les interstices, les utiliser, et bloquer des temps bien définis et sacralisés, uniquement consacrés à l'écriture.
Avant tout, vous devez trouver ce qui vous convient, et vous y tenir.
« Celui qui ne lit pas aura vécu une seule vie. Celui qui lit aura vécu 5000 ans. La lecture est une immortalité en sens inverse. »
— Umberto Eco
2024 ne promet rien de mieux que la complexité et la même accélération que chaque année avant elle. Peut-être sera-t-elle meilleure, peut-être sera-t-elle pire. Plus de la moitié du monde va voter pour élire de nouveaux leaders. La montée de l’extrême droite dans les démocraties occidentales est inquiétante. Qui sera choisi ? Des conflits sont latents, lesquels vont exploser ? La seule chose sûre est l’incertitude des temps à venir.
Que peut-on y faire ? Peut-on s’y préparer ?
La lecture est un investissement sur soi, quelle que soit sa forme : fiction, non-fiction, savoir-faire, développement personnel, classiques, biographies. Ces livres sont un moyen d’apprendre ce qui est arrivé dans le passé, ce qui risque de se reproduire. Ils aident à clarifier la pensée, à être plus ouvert, à prendre plus de perspective. Ils sont une tradition perpétuée depuis des milliers d’années, jusqu’à nos jours, fruit de nombreuses heures de travail et de pensée sur des sujets difficiles. Pourquoi faire l’impasse sur tant de sagesse ?
En gardant ceci en tête, voici quelques livres – quelques-uns récents, d’autres plus anciens – qui vous aideront à traverser 2024, à atteindre vos objectifs et à vivre une vie meilleure.
Non fiction
Atomic Habits de James Clear (Un Rien peu tout changer)
Si l’on excepte la version française du titre, discutable, ce livre est une vraie pépite. L’auteur décrit la formation des habitudes, comment se débarrasser des mauvaises et comment en créer de nouvelles pour atteindre les objectifs que l’on se fixe. Dans le monde chaotique qui se développe, il est intéressant de développer de bonnes habitudes. Ici, le mot « atomique » est judicieux : il évoque à la fois la plus petite unité sur laquelle se concentrer pour développer ces bonnes habitudes, mais aussi le fait que cela peut déclencher une réaction en chaîne qui peut mener à de grands changements.
Je l’ai lu en août 2019, et pourtant j’ai encore en tête les concepts développés par James Clear. Pour moi, c’est le signe d’un grand livre.
Méditations de Marc Aurèle
J’ai découvert les idées des stoïciens il y a quelques années, au travers de ces pensées qui ont traversé les millénaires. Ici, il convient de choisir une bonne traduction (évitez les exemplaires à l’origine douteuse qui fleurissent en ebook), et l’on peut trouver des versions commentées intéressantes.
L’un des concepts de base m’a beaucoup aidé à traverser les difficultés ces dernières années. C’est l’idée que l’on devrait se préoccuper que de ce qui est dans notre sphère de contrôle : si l’on ne peut absolument rien faire à propos d’un problème, alors pourquoi porter le fardeau de s’en inquiéter ?
Le livre a longtemps trainé dans mon sac ; j’y reviens souvent piquer des passages ou relire les notes que j’ai laissées en marge.
Four Thousands Weeks de Oliver Burkeman
L’auteur utilise un concept intéressant : en moyenne, l’espérance de vie d’un être humain peut être ramenée à 4000 semaines. Partant de là, Burkeman remet en question les méthodes traditionnelles de gestion du temps, en soulignant l’importance d’accepter nos limitations et la brièveté de la vie, symbolisée par ces 4000 semaines. Il propose de se concentrer sur ce qui est vraiment significatif, en abandonnant l’illusion de pouvoir tout faire pour vivre une vie plus riche et plus satisfaisante.
Deep Work : Retrouver la concentration dans un monde de distractions de Cal Newport
La capacité de se concentrer profondément sans distraction sur des tâches exigeantes cognitivement est essentielle pour exceller. Newport présente des stratégies pour cultiver cette compétence rare et précieuse, en proposant un changement dans les habitudes et des façons de penser qui permettent de favoriser ces moments de travail profond.
The War of Art de Steven Pressfield
Je relis ce (petit) livre à chaque fois que je me lance dans un nouveau projet (d’écriture ou autre). Pressfield décrit la lutte quotidienne contre une entité qu’il nomme la Résistance (notez le R majuscule), et qui nous empêche de réaliser ce que l’on veut (créer). C’est cette voix multiforme — « Demain ! Tu commenceras demain. », « Tu n’es pas au niveau, ce n’est pas pour toi. » — qui peut se cacher sous bien d’autres aspects de la vie, de manière quotidienne, et qui vous empêche d’avancer.
À chaque lecture, Pressfield m’aide à en prendre conscience, à la reconnaître, à l’ignorer.
Fiction
Les oiseaux du temps de Amal El-Mohtar
Bleu et Rouge s’affrontent dans une guerre temporelle. Malgré le fait qu’ils sont ennemis, ils s’engagent dans une correspondance interdite qui traverse les âges et les lieux. À la fois poétique et précis, ce cours récit a provoqué beaucoup d’émotions. Il y a un aspect philosophique à la transformation et la fluidité des deux personnages à travers le temps et l’espace, et c’est mystérieusement troublant et intéressant.
Journal d’un Assasynth de Martha Wells
Depuis des années, je vois ce titre passer dans les articles de blog et les critiques sont dithyrambiques. Pourtant, j’ai toujours hésité à le lire, et j’ai réalisé récemment que je n’aimais pas le jeu de mot dans le titre (assassin synthétique). D’accord, c’était idiot, parce qu’une fois passé ce « problème » personnel, j’ai découvert une histoire passionnante au point de m’être enchaîné la lecture de toute la série. Le contraste entre la vision mathématique et purement logique du personnage principal et son besoin d’humanisation est ce qui émeut en premier ; lorsqu’on prend du recul, on se rend compte que cela nous aide à porter un regard différent sur la condition humaine. Et puis : des combats réglés en millisecondes ! Des interactions hilarantes ! Tout un univers !
Projet Dernière Chance de Andy Weir
J’ai beaucoup aimé Seul sur Mars, du même auteur. On reste dans le domaine de la science-fiction avec cette histoire, avec un problème inverse : cette fois l’humanité est menacée. Au final, ce qui m’a le plus intéressé est l’histoire de la rencontre avec une forme de vie intelligente radicalement différente, et de pourtant passer outre ces problématiques pour arriver à communiquer et travailler avec elle, dans un objectif commun. Et comment faire quand celui d’en face ne porte pas d’yeux, vit dans une atmosphère de méthane et dans un corps qui ressemble à un énorme coquillage ? C’est de la hard SF, avec des explications scientifiques détaillées (un peu comme dans son premier succès) qui tiennent la route, mais qui servent le récit.
Il fallait choisir, parmi les dizaines que j’ai lus dans l’année, quelques livres que je recommanderai. Bien sûr, vous pouvez avoir une tout autre sélection. Faites comme moi : partagez votre liste, que ce soit dans un blog ou en répondant à cet article si vous êtes abonné (si vous ne l’êtes pas : c’est gratuit et cela vous permet, en plus de recevoir une nouvelle policière et la possibilité de laisser des commentaires sur ces articles).
Et puis, si des livres vous ont émus ou bouleversés dans l’année passée, relisez-les.
Depuis l’automne dernier, je travaille à l’écriture, la réalisation et la production de « Duo de plumes », notre podcast littéraire co-animé avec Catherine Rolland. Évidemment, c’est beaucoup de boulot ; organisation des séances d’enregistrement, préparation du matériel, promotion, montage des épisodes… Heureusement que nous sommes deux !
Mais c’est super, j’apprends beaucoup et je m’éclate à créer ces contenus.
Depuis janvier, date officielle de démarrage, nous avons déjà publié trois épisodes, disponibles sur toutes les plateformes de podcast et sur YouTube.
Maintenant, je dis que c’est super, mais c’est aussi un affreux consommateur de temps. Depuis le début de cette aventure, je dois trouver et « compresser » du temps pour continuer à écrire (en plus de cette activité), l’écriture étant pour moi mon cœur de métier.
Et puis en plus, il y a le day job — ou les day jobs. Janvier, c’est un mois de rentrée dans le centre de formation où je travaille. Avec l’accueil des nouveaux étudiants, le démarrage de gros projets et la préparation de toute une série de cours (qu’il faut ensuite donner), je n’ai pas besoin de chercher à m’occuper. Je travaille aussi pour une autre structure en plein développement de son offre de formation en ligne — quatre e-learnings à monter, développer et produire (et c’est très intéressant). Et je travaille sur un nouveau thriller, tout en m’appliquant aux dernières corrections du second tome de Timeskippers, et en écrivant Dans les marges, la newsletter mensuelle pour mes lecteurs (vous n’êtes pas encore inscrit ? Cliquez sur le bouton bleu !)
Avec tout le côté day job et la production du podcast, on peut dire que j’ai un problème d’activité (de suractivité, peut-être) et j’arrive à la fin de mes journées bien fatigué.
Oui, c’est moi qui l’ai voulu, et c’est cool ! Mais c’est là pour moi où est le danger. Lorsque je me mettais devant mon clavier pour écrire mon prochain roman, les mots qui venaient me semblaient alors stupides, sans valeur. Dans cet état, j’avais l’impression d’écrire de la m*, l’impression que cela ne valait pas le coup.
Souvent, cela me faisait abandonner, et je pouvais délaisser mon histoire pendant plusieurs jours, jusqu’au week-end. Et ce premier jet n’avançait pas.
Pourtant, depuis quelques semaines, cela n’arrive plus.
Voici ce qui a changé : j’écris quand même.
Ce que j’ai compris, c’est que ma perception de ce que j’écris et plus en rapport avec mon état de fatigue qu’avec la qualité réelle du texte.
Or, la qualité de mon travail d’écriture n’a aucune relation avec le sentiment que j’en ai au moment de l’écriture. Je peux avoir passé une mauvaise journée, être démotivé et produire un bon texte, tout comme je peux sortir d’une nuit de neuf heures de sommeil par une belle journée ensoleillée et écrire un passage mauvais.
Ma propre perception de la qualité du texte que je produis est en rapport avec tout sauf le texte. Si j’ai l’impression d’avoir écrit une suite de phrases sans intérêt, c’est plus en rapport avec mon manque de sommeil, les conflits dans ma vie ou mon niveau de sucre dans le sang qu’avec mon texte.
Réaliser cela est libérateur, parce que cela change tout : je peux m’asseoir à mon clavier, sortir de mon imagination les bons mots, et s’ils ne viennent pas, écrire tout de même un texte que je peux percevoir comme « mauvais » alors qu’il peut être « potable » ou même « bon », et que quoi qu’il en soit, je peux toujours faire des changements après.
« Mais d'où viennent toutes vos idées ? » Cette question ou ses variantes est l'une de celles qui revient le plus souvent lors des rencontres avec mes lecteurs.
Et c'est une bonne question.
Début des années 2000. Je suis un fan de la série TV Stargate SG-1. Durant la troisième saison, SG-1 doit affronter des robots arachnides construits de petites briques programmées pour se répliquer seules et évoluer à chaque itération. Ils consomment l’énergie et les matières premières qu’ils attaquent pour se développer, « dévorant » tout ce qui les entoure. Évidemment, leurs créateurs en perdent le contrôle et ces machines engloutissent des civilisations entières. Ce concept de robots qui s’améliorent pour leur survie après chaque génération, un peu comme l’évolution Darwinienne, m’intéresse beaucoup ; je la note dans un carnet. 2003 : Un article attire mon attention : Emerging Consciousness as a Result of Complex-Dynamical Interaction Process. L’idée qu’une forme de conscience pourrait émerger d’interactions complexes entre de petites unités est séduisante ; je la note dans un carnet.
Six ans plus tard, je suis en plein développement de mon premier roman. Parmi les concepts au cœur de l’intrigue, un système de programmes autoréplicants qui évoluent en ne gardant que les générations qui « progressent » après l’introduction de variations aléatoires dans leur code. Ce concept est le résultat direct de la collision de deux idées notées des années plus tôt dans un carnet.
La plus petite idée peut être utile
Ce mix et remix, mélange d’idées à priori différentes et qui donne naissance à une nouvelle idée originale, je l’appelle la « collision » des idées. On en a d’ailleurs discuté, avec ma camarade de podcast Catherine Rolland, dans l’épisode 2 de Duo de plumes. Depuis des années je collectionne les saynètes, idées, et bribes de conversations ; j’ai tendance à noter tout ce qui m’interpelle, me surprend, me plait ou déplait, car je ne sais jamais ce qui sera utile.
Conséquence immédiate: j’ai toujours sur moi un carnet A6 dans lequel je recueille ces idées et extraits de vie au milieu des listes de courses et des approximations de coins de tables. Je varie les marques et les modèles (ces derniers temps, ma préférence est pour les Leuchtturm1917, en trame à points), mais sous une forme ou une autre, j’en glisse toujours un dans ma poche, avec un bon stylo. Quand ces carnets sont remplis, j’en commence un nouveau, et ainsi de suite. Il m’arrive d’en utiliser deux par année, d’autres pourront me durer des dizaines de mois en fonction de ce qui attise ma curiosité ; au fil des ans, ils s’accumulent dans mon bureau.
L’accélérateur de particules
L’astuce, c’est de relire de temps en temps ces pages à la recherche de ces notes. Pour m’alléger l’esprit, j’ai programmé une tâche récurrente dans mon calendrier tous les trois mois. C’est simple de les retrouver ces passages en feuilletant les carnets puisque je laisse un petit symbole ressemblant vaguement à une ampoule dans la marge. Et c’est aussi assez fun, car relire ce qui entoure ces idées dans le temps, c’est comme un témoignage de ce qui me préoccupait au moment de la captation, ce qui peut remettre du contexte et raviver des souvenirs.
À titre d'illustration, l'un de mes carnets dans lequel se cache une idée qui mènera peut-être à quelque chose dans l'une de mes histoires…
Le reste se passe dans la tête. Au bout d’un temps, certaines de ces idées peuvent entrer en collision, et il se produit ce qui pourrait arriver à l’intérieur d’un accélérateur de particules : lorsqu’un électron percute à haute vitesse un proton, une nouvelle particule est créée. Ces idées qui se rentrent dedans, se bousculent et s’entremêlent en forment de nouvelles, des chimères qui sont plus intéressantes encore.
Si le résultat titille mes neurones, je note le produit de ces collisions comme une nouvelle idée ou un nouveau concept. Pour la plupart, cela en reste là, parfois durant des années. Elles peuvent aussi être combinées à nouveau, et ainsi de suite. Mais d’autres finissent par donner naissance à un roman ou à y occuper une place prépondérante.
Pour moi, cela fonctionne bien. Le secret est de noter tout ce qui attire mon attention, quel que soit le domaine (de fait: plus les sources sont variées, mieux c’est), de relire ces carnets régulièrement et de laisser mon subconscient mélanger et faire des connexions, malaxer cette matière comme on le ferait pour préparer une pâte à pain.
Ce concept de collision des idées rejoint la thèse derrière le documentaire Everything is a remix de Kirby Ferguson, et c’est aussi ce que vous avez sûrement lu quelque part : tout a déjà été raconté, écrit, mais pas par vous. Il en résulte que les nouvelles idées sont forcément issues du mélange (remix) d’idées plus anciennes.
J’utilise cette « méthode » depuis des années et c’est de là que sont sorties les idées les plus intéressantes pour mes romans. Et si c’est une « méthode », elle est simple. Pour ne rien rater, noter toutes les idées, même celles qui ne semblent pas pertinentes sur le moment (le tri se fait par après, comme s’il opérait en tâche de fond dans mon cerveau), et les relire régulièrement.
C’est réjouissant, et cela explique pourquoi je ne suis jamais à court d’idées ; ce qui crée les nouvelles idées pour mes romans vient… d’idées plus anciennes remixées. Une sorte de mouvement perpétuel qui nourrit mes histoires et mes romans.
J'imagine que tous les écrivains ont une boite à outil qui leur est personnelle. Comme moi, ils la constituent en voyant ce que font les autres et comment ils travaillent, en prenant des "morceaux de méthode" chez l'un rabouté avec un autre morceau chez l'autre, et surtout en se confrontant à la réalité, devant son propre clavier.
J'ai découvert aussi que j'étais dans la catégorie plotter, de ceux qui ont besoin d'une structure – dans mon cas, détaillée – pour commencer à écrire. Cette structure me sert aussi lorsque je m'attelle à retravailler mon texte.
L'édition de mon texte n'était pas mon point fort.
L’un des points de friction de mon écriture reste l’édition, et pour être plus précis, la correction de mon premier jet, et pour être encore plus précis, la première phase de cette correction : je relis mon histoire avec mon chapeau d’éditeur, et je ne fais attention qu’à la structure et l’arc narratif associé.
Parfois, en faisant cette première relecture, j’ai un doute (OK: souvent). L’histoire est là telle que je l’ai imaginée, dans les grandes lignes. Tout ce que je voulais raconter est présent, et pourtant, il manque quelque chose. Un petit bidule difficile à saisir, impossible de mettre le doigt dessus en criant Eureka !
Tout semble là, et pourtant, cela ne fonctionne pas.
Malgré un plan minutieux où je crois avoir pensé à tout, il est très difficile d'identifier le problème assez précisémment pour pouvoir le corriger. C'est frustrant, parfois j'abandonnais un manuscrit dans un fond de tiroir (un fond de dossier, en fait, mais vous voyez l'image).
Entre en scène la méthode foolscap
Le foolscap, c’est un format de papier US, ce papier jaune ligné, un peu plus allongé et plus fin qu’une feuille A4. Je suis sûr que vous en avez vu dans les films américains. D’après Steven Pressfield, auteur américain qui fut l’un des premiers à parler de cette méthode, c’est la longueur idéale de papier pour coucher le plan d’un roman.
Pas besoin de plus.
Comment ça marche ?
Il s’agit de reprendre son histoire avec assez de recul, depuis une altitude très élevée.
Le premier tiers de la feuille est votre premier acte. Le second, le deuxième acte et le troisième, le dernier acte. On ne peut utiliser que l’espace autorisé par la feuille.
Il faut écrire de la manière la plus simple possible le « Et si? » au début du Premier Acte. Par exemple, pour un policier, ce serait la découverte d’un corps.
Ensuite, à la toute fin de la feuille, il faut écrire le climax du roman (ou de l’histoire, cela peut s’appliquer à n’importe quel format).
Quand vous avez le point de départ et le climax de votre histoire, vous n’avez plus qu’à remplir le reste.
Simple. Simpliste ?
Vu comme cela, c’est un peu simple. Et cela ne m’aide pas à vraiment trouver le problème dans mon histoire. Tout juste à commencer la planification.
Mais à partir de là, Shawn Coyne, un éditeur américain ayant roulé sa bosse chez les big five pendant plus de vingt ans, a élaboré une méthode qui permet justement de détecter ce petit truc qui ne fonctionne pas dans mon histoire. N’est-ce pas génial ?
Il a amélioré la grille pour en faire cette fameuse méthode, en extrapolant ce dont une histoire a besoin pour fonctionner, à savoir l’unité de base, la brique élémentaire utilisable à tous les niveaux, un peu à l’image des fractales.
Cette brique est composée de 5 éléments :
Inciting Incident – incident de départ (traduction très aproximative, j’en conviens). C’est l’événement qui va changer le cours de la vie de votre personnage principal ; il y a un avant et un après.
Complication – progressive, les choses se compliquent pour le protagoniste
Crisis – la crise. On peut résumer cela au « meilleur mauvais choix possible »
Climax – le climax ou la réalisation de ce choix
Résolution – le fruit / les conséquences
Et l’on retrouve cette brique élémentaire de partout: au niveau d’une scène, d’un chapitre, d’un acte (et c’est là qu’on rejoint la foolscap.)
Trouver ce qui ne va pas
Remplir la foolscap est assez facile. La feuille contient une première partie permettant de bien définir votre histoire en écrivant le genre et les valeurs en jeu, aussi bien au niveau externe (l’action) qu’interne (le développement de votre personnage principal).
En fonction du genre choisi, il y a des scènes obligatoires, celles qu’on va trouver dans toutes les (bonnes) histoires du genre, et donc attendues par le lecteur. Le point de vue général y est aussi défini (3ème personne par exemple), l’objet de désir du personnage, et enfin l’idée générale / le thème de l’histoire.
Voilà pour l’histoire globale. Définir clairement ces points peut paraître futile, mais de là découlent bien des choix de l’histoire à raconter. Ainsi, on peut se rendre compte qu’on a oublié une scène obligatoire du genre, ou que l’évolution de notre personnage n’est pas claire. Le petit truc qui manque, ce peut être cela.
La feuille foolscap vierge.
La suite de la grille se décompose sur les trois actes, que Shawn appelle hook (l’accroche), build (la construction), et payoff (la récompense du héros et donc / ou du lecteur). Chaque acte est composé des briques élémentaires décrites, et doit faire avancer votre narration soit vers le positif, soit vers le négatif.
Utiliser la grille pour décrypter votre texte permet une lecture à haute altitude, et permet de jauger de l’équilibre global de votre arc narratif, que ce soit en termes d’action ou de progression du personnage. C’est ce qui peut vous faire mettre le doigt sur le petit truc qui manque à votre histoire.
Pour comprendre avec un exemple, Shawn Coyne décrypte pour nous le Silence des agneaux de Thomas Harris. Vous pouvez trouver la fiche remplie ici, c’est assez instructif :
La grille appliquée au Silence des Agneaux
Ainsi, il devient plus facile, avec cette vue aérienne de l’histoire, de détecter ce qui ne va pas, ce qu’il faudra équilibrer, déplacer…
De mon côté, j'ai pu appliquer cette méthode à divers moment de l'écriture de mon récit, ce qui m'a permis de déplacer des scènes pour équilibrer les "montées" et "descentes" en tension. J'ai aussi mieux cerné les besoins de l'un de mes personnages, et la résolution de ce point était ce qui rendait bancale toute l'histoire.
Je ne peux que vous encourager à essayer cette méthode, pour sa simplicité de mise en oeuvre et aussi parce qu'elle vous permet de prendre assez de recul pour réfléchir sérieusement au texte et au développement narratif dans son ensemble.
Aller plus loin
Pour ceux que l’anglais ne rebutent pas, il y a maintenant un podcast, créé par Tim Grahl, autour de la méthode foolscap story grid. Très instructif, avec des exemples et des explications autour du concept.
Ces idées sont une transcription maladroite de celles de Cory Doctorow, invité du célèbre podcast Writing Excuses. Au passage, ce podcast mérite votre attention si vous vous débrouillez en anglais. Il regorge d’expériences et d’idées, est d'un format court (c’est l’un des concepts : il dure moins de quinze minutes), et il est très instructif.
La question de base que s’est posée Cory Doctorow est plus précisément : pourquoi éprouvons-nous des sentiments pour les personnages de fiction ?
Partons d’un simple constat : dans un livre, rien n’est réel, et pourtant nous sommes investis émotionnellement dans des choses dont nous savons qu’elles ne sont pas réelles.
Nous lisons ces histoires à propos de personnes imaginaires à qui il arrive les choses les plus terribles et dont nous savons qu’elles ne sont pas réelles, et nous avons cette réponse de notre système limbique : nous pleurons, nous rions, notre fréquence cardiaque augmente.
Quand on y pense, le plus tragique des moments dans la plus mélodramatique des histoires ne devrait pas avoir plus de conséquences que la plus anodine des anecdotes à propos de votre petit-déjeuner de ce matin. Alors que se passe-t-il ?
De ce constat, Cory Doctorow élabore une théorie : notre façon d’essayer de comprendre les autres personnes est d’essayer de les modéliser.
Ces modèles nous permettent de ressentir de l’empathie. Nous n’imaginons pas directement ce que quelqu’un peut ressentir, mais nous prenons notre modèle de cette personne et nous imaginons ce qui pourrait « coller » à ce modèle. Par exemple, si vous tombez et vous vous cassez la jambe, j’imagine mon modèle de vous tomber et se casser la jambe et ressentir cette douleur et c’est de là que vient l’empathie que je peux ressentir pour vous à ce moment-là.
L’idée est donc que notre cerveau ne fait pas de distinction littérale entre les personnes imaginaires et les personnes réelles.
Si notre cerveau ne distingue pas les personnes imaginaires des personnes réelles, il y a certainement de bonnes raisons : nous devons être capables de modéliser certaines personnes dont nous ne sommes pas sûrs qu’elles sont réelles, ou d’autres qui ne sont pas parmi nous (que ferait-elle si cette personne était là ?) ou bien encore décédées.
Tout cela peut vouloir dire que nous ne faisons pas de réelle distinction dans notre cerveau entre les personnes réelles et les personnes fabriquées.
Quelles conséquences sur notre façon d’écrire ?
Au début, c’est un peu comme si on jouait à la poupée ; on imagine des situations (« Hey, salut ! Comment ça va ? » « Et bien pas mal, et toi ? »). On avance dans l’écriture et le modèle de nos personnages commence à prendre du corps, et donc, on commence à mieux connaitre nos personnages.
La façon dont votre cerveau vous trompe est intimement liée au fait que vous aimez la fiction.
À partir de là, un lien se fait entre les parties du cerveau qui ne parlent pas entre elles habituellement :
vous écrivez les mots
vos yeux voient ces mots et ils sont poussés dans votre subconscient comme autant de données sur vos personnages
la partie du cerveau qui construit les modèles y ajoute ces données
ensuite, lorsque vous questionnez votre subconscient sur ce que cette personne (fictive) ferait, votre cerveau fait une sorte de combinaison entre « demander au modèle » et « jouer à la poupée ».
Cette expérience d’écriture se fait de plus en plus en faveur du modèle (au fur et à mesure que le cerveau y ajoute des choses) en avançant dans l’écriture, jusqu’au point où vos personnages ont leur « propre vie » : vous vous rendez compte en écrivant quelque chose que ce n’est pas du tout comme cela qu’ils réagiraient.
Une grosse part du job d’un écrivain est de prendre un modèle dans sa tête et de le mettre dans celle du lecteur.
Ce concept m’a remué et me fait repenser à la façon dont je perçois mes personnages. Quand on referme un livre, on a toujours accès au modèle des personnages dont on a suivi les aventures, par exemple. Cela explique comment on peut être bouleversé par une histoire fictive, même des années après, parce qu'au fond, c'est vraiment comme si cette histoire était réelle.
C’est une vision des choses que je trouve géniale.
Doctorow élargit cette idée au monde qui nous entoure. Selon lui, cette manière d’appréhender les personnes peut expliquer une partie des stéréotypes et du racisme. Vous avez des modèles incomplets et vous les questionnez avec une certaine fainéantise (le modèle est incomplet et on ignore ce fait) : si vous n’êtes pas assez critique avec les retours que vous fait votre subconscient, vous pouvez facilement revenir avec ces clichés et stéréotypes à propos des autres.
Cette idée m'a permis de mieux comprendre pourquoi ce qu'on écrit fonctionne, et comment on peut manipuler l'histoire pour provoquer certaines réponses dans le cerveau du lecteur ; pour son plus grand plaisir (et celui de l'auteur).
Elle m'a aussi conforté dans la conviction de la puissance des mots, et de la littérature en général.
Plus sérieusement, je consomme beaucoup de podcast. C'est un format intéressant et varié, et qui permet d'aborder de nombreux sujets sous des formats très variés. Beaucoup de ceux que j'écoute concernent la littérature, la création littéraire, le côté business et le côté créatif.
Pourtant, je ne trouvais pas vraiment d'émission sur les coulisses de la création, par des écrivains, mais aussi des blogueurs littéraires, des éditeurs, ou d'autres acteurs de la grande chaîne du livre.
Cela tombe bien: il y a longtemps que j'avais envie de me lancer dans la création d'un podcast, mais l'ampleur de la tâche peut paralyser. C'est là qu'entre en scène mon amie Catherine.
À deux, nous sommes plus fort, plus créatifs, et surtout, nous pouvons créer l'emission qui nous manque: un format de conversation libre, où l'on se livre sans tabou sur notre passion qu'est l'écriture.
Pendant le tournage du podcast, fin 2023.
Le premier épisode sera diffusé le 3 janvier 2024
Il sera disponible sur les plateformes les plus connues pour la diffusion de podcast et aussi sur Youtube. Soutenez-nous, abonnez-vous, et si le show vous plait, laissez une (bonne) note sur les réseaux !
En attendant, voici la bande-annonce:
Bande annonce du podcast Duo de plumes
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Vous pouvez nous suivre depuis le site du podcast:
Vous cherchez le parfait cadeau pour votre humain favori, fan de science-fiction et de space opera ? Cela tombe bien, ami lecteur de ce blog, puisque LE REFLET DES ÉTOILES est en promotion durant tout le mois de décembre !
« Mais c’est quoi, Le reflet des étoiles ? »
J’entends d’ici la voix à peine masquée dans le fond de la salle. LRDE (c’est comme cela que je l’appelle chez moi, j’adore donner un nom de code à tout ce que j’utilise fréquemment), LRDE raconte l’histoire d’un homme qui se réveille d’un coma artificiel, amnésique, sur un vaisseau en perdition qui va bientôt percuter un énorme débris dans l’espace. Bien sûr, il y a beaucoup plus derrière cette prémisse. Tenez, je me sens d’humeur joyeuse, je vous glisse ici le quatrième de couverture.
Le jour du solstice de l’été 2069, un nuage de micrométéorites croise la route du Vancouver, occasionnant des dégâts irréparables à l’appareil. Impossible de changer de cap, et les systèmes de survie ne tiendront pas le coup plus longtemps. Pour s’en sortir, l’équipage se résout à s’enfermer dans les caissons de stase, laissant leur vie entre les mains de l’IA de bord et comptant sur le message de détresse… qui ne sera jamais entendu.
Deux siècles et demi d’errance plus tard, l’ordinateur réactive en urgence le seul rescapé, car une collision est imminente. Personne n’a jamais traversé une si longue période de coma, et s’il se réveille effectivement, c’est avec une amnésie totale.
Alors qu’il ne connaît même pas son nom, cet homme n’a que quelques minutes pour agir. S’il s’en sort, il restera tout à affronter. Deux cent cinquante ans de politique expansionniste ont amené ce monde au bord d’une guerre qui serait dévastatrice.
Sans le savoir, il est le seul à pouvoir l’empêcher.
Aller. Lâchez tout ce que vous faites, et profitez de cette promotion à 50 %, faites deux heureux pour les fêtes. Eh bien oui : l’auteur, et le destinataire du cadeau !
Je serais présent au prochain Salon du livre de Genève, du 6 au 10 mars 2024. Plus de détails suivront sur les jours où je serais présent, dans les semaines précédant l'événement. Je me réjouis déjà de vous rencontrer et discuter autour de mes livres, alors réservez les dates !
Le festival littéraire Alterfictions a eu lieu les 18 et 19 novembre 2023 dans sa première édition, dans le château d’Yverdon, en Suisse. J’ai eu la chance d’y participer et je dois bien dire que j’ai vraiment passé un superbe week-end.
Le concept, novateur
Casser les codes, c’était le but de ce festival d’un autre genre (vanne intentionnelle). Il s’agissait pour une fois de disposer l’ensemble des livres proposés par les 77 auteurs sur des tables regroupant différents genres. Les écrivains, eux, étaient libres de déambuler parmi les visiteurs, de discuter entre eux, de dédicacer dans des espaces réservés à tous. Personnellement, j’attendais vraiment de voir ce que cela pouvait apporter. Avec ces deux jours de recul, l’idée m’a convaincu : le (futur) lecteur est plus libre de traîner au gré des couvertures, de retourner les livres pour lire les quatrièmes sans sentir aucune pression parce que l’auteur serait devant lui.
J’ai eu aussi beaucoup de plaisir à me faire interpeller au milieu du salon par une lectrice ou une autre :
« Bonjour, vous êtes bien l’auteur ? (Montrant le livre en question entre ses mains)
— Oui ?
— Je peux avoir une dédicace ? »
Et d’accompagner ladite lectrice vers une petite table ronde où l’on peut discuter tranquillement.
Très. Sympa.
Plein d’activités
Les organisateurs avaient prévu différentes tables rondes, conférences et remises de prix. On voyait aussi des dessinateurs travailler en direct, leur dessin évoluant sur le grand écran présent au bout de la grande aula magna.
Une ambiance bienveillante
Organisateurs-auteurs, auteurs, dessinateurs, éditeurs, visiteurs… Tout au long des deux jours, la gentillesse et l’entraide dominaient l’ambiance, sans concurrence, sans jalousie. Une bienveillance très bienvenue, ressentie dans toutes les salles et toutes les activités, et qui caractérise finalement ce festival.
Franchement, j’espère que l’exercice (réussi) sera renouvelé le plus tôt possible, de préférence l’année prochaine !
Une organisation incroyable
Rappelez-vous que c’est la première édition de ce festival de littérature de genre. Et bien, l’organisation était professionnelle. Accueil des auteurs et des éditeurs, montage et installation, aide, tout était prévu. La communication en amont du festival était également très bien faite ; elle a amené plus de 800 visiteurs, nombre remarquable pour, encore une fois, une première édition. J’ai eu la chance de participer à la création du trailer utilisé sur les réseaux, et je suis fier de voir comment il a été (bien) utilisé et des efforts autour de cette communication.
Tout s’est passé dans la fluidité, sans effort apparent ; on le sait c’est comme lorsque l’on voit un danseur professionnel, un athlète en pleine action, on ne le voit pas, mais on sait la quantité de travail qui a permis d’en arriver là.
Bravo donc pour tout ce travail aux organisateurs, bénévoles et participants à Alterfictions, une grande réussite.
Un sentiment de famille
Il se trouve que les organisateurs du festival sont, comme moi, des membres du GAHELIG, une association d’auteurs helvétiques de littérature de genre, et le sentiment d’appartenir à une famille de gens comme moiTM était fort et agréable.
Duo de plumes était présent
Ce fut également l’occasion de réaliser quelques interviews avec ma complice de podcast et copine de plume Catherine Rolland. Un exercice difficile et très intéressant qui nous a permis de recueillir le point de vue de différents acteurs au décours de la journée de dimanche : éditeurs, auteurs de polars, de romance, bénévoles et organisateurs. Rendez-vous au printemps pour écouter (ou voir !) le podcast consacré à l’édition.
Il est temps de « redescendre » et de revenir à la vie ordinaire. Mais je garde en mémoire ces rencontres et ces bons moments, et suis reconnaissant à Nicolas Genoud, Christophe Barraud, Sara Schneider, Amélie Hanser, Katja Lasan, K. Sangil, Fabrice Pittet, Méline Darsk, Lionel Truan, Anouk Langel, David Tschopp, Stéphanie Manitta… et j’en oublie certainement plein (pardon!) pour la mise en œuvre de cette superbe idée.
Ces derniers temps, lorsque j’ouvre mon ordinateur, je me sens dépassé, confronté au problème de mon rapport au temps : j’ai tellement à faire, et si peu de temps ! Il en ressort un stress qui n’est vraiment pas nécessaire et même, dans mon cas, délétère d’un point de vue créatif.
Depuis lors, il m'arrive de rester bloqué devant mon fichier ouvert, incapable d’avancer sur le projet en cours. Et cela devient même pire : je me retrouve à tout faire sauf terminer mon manuscrit, écoutant la voix convaincante de la Resistance, trouvant n’importe quel moyen de procrastiner.
Notez que ce n’est pas la première fois que cela me pose un problème, j’avais même écrit un article pour débroussailler mes idées et trouver des méthodes pour dégager du temps pour écrire. Si l’article est daté, il a le mérite de me rappeler où j’en étais par rapport à ce thème à l’époque.
Quand on est créateur, on dirait qu’il y a une règle tacite, une injonction à produire à tout prix et à grande vitesse. Cela peut parfois donner l’impression que si l’on ne produit pas, on n’existe pas, que ce soit pour les systèmes à dopamine que sont les réseaux sociaux ou pour satisfaire les algorithmes d’un site de vente en ligne. Et cette pression, je la ressens assez pour qu’elle gêne mon travail créatif.
Elle devient un vrai problème.
Je suis tombé sur un article du blog de Dimitri Régnier, dans lequel il décrit des sensations similaires, en tout cas pour ce qui est de son rapport au temps, de son utilisation, et des contraintes qui nous sont imposées.
Je le rejoins sur plusieurs points, mais l’un en particulier me titille particulièrement : pour créer et produire de la qualité, en fait, il faut du temps, il faut prendre le temps. Par exemple, j’aurais dû sortir le tome 2 de Timeskippers avant les fêtes de fin d’année (notamment pour satisfaire l’algorithme). Mais si je veux être fier de ce texte et qu’il soit au niveau de qualité que je souhaite, je me dois de prendre le temps d’y travailler jusqu’à atteindre cet objectif.
Je me rends compte aussi que la situation est accentuée par les outils que j’utilise. Un désavantage du caractère "geek curieux" qui m’habite, je teste pas mal de choses, je cherche à trouver le meilleur outil pour ce que je fais (la planification, l’écriture, la production d’ebooks). Résultat après quelques années : il y en a littéralement partout, mes textes et mes idées sont dispersés dans différents systèmes et logiciels, et cela participe beaucoup du sentiment d’être dépassé quand je soulève le capot de mon portable.
J’ai pourtant des indices sous les yeux. Depuis plusieurs mois, j’utilise une machine à écrire toute simple, avec un écran LCD et un superbe clavier mécanique, qui synchronise mes textes avec mon ordi. Et c’est libérateur : quand j’allume cet outil précis, c’est uniquement pour écrire. Un outil simple, qui ne sert qu'une fonction, qui marche tout le temps.
Les militaires, et particulièrement les unités des forces spéciales, utilisent un moto sous forme d'acronyme: KISS (Keep It Simple Stupid).
Donc, je tends de plus en plus à la simplification de mes outils et de la façon dont je gère mes fichiers. Inspiré par certains des articles de Ploum, mes idées m’amènent à nouveau vers un amour de jeunesse : Linux et les FOSS (Free and Open Source Software), avec cette tendance non pas au minimalisme, mais à l’essentialisme.
Dans le même ordre d’idée, je m’éloigne des systèmes à dopamine (je n’ai pas ouvert Facebook depuis plusieurs mois et je vais bien mieux, merci), et j’ai réouvert un compte Mastodon, où l’ambiance ressemble beaucoup à celle des l’internet des pionniers, avec de l’entraide du partage et une certaine forme de bienveillance (et ça fait du bien).
Tout cela déclenche un arc cognitif et me rappelle cette citation de Blaise Pascal :
Tous les problèmes de l’humanité découlent de l’incapacité de l’homme à s’asseoir tranquillement et seul dans une pièce.Blaise Pascal
Dimitri a raison : il s’agit en fait de retrouver notre capacité à conserver une vie intérieure et je rejoins sa conclusion. Il faut redonner du temps à l’essentiel, pour vivre en accord avec ses valeurs.
Schematic diagram «Simvol IK» par Aleksey Kurepin sur Flickr
D'après ce que j’ai pu constater, il y a deux types d’auteurs : ceux qui ne peuvent commencer à écrire sans avoir une idée précise et un plan détaillé, et ceux qui partent sur une idée et se laissent « porter par l’histoire ou les personnages ».
Après quatre livres, j'ai compris que je fais partie des premiers ; les architectes. Il m’est inconcevable de me lancer à l’aventure. Si je me mets à mon clavier pour le premier jet, c’est que mon plan est réglé aux petits oignons. J’ai essayé de me lancer dans un texte avec seulement une vague idée de la fin : je n’ai tout simplement pas terminé mon histoire. Les auteurs qui arrivent à travailler comme cela sont pour moi des « aventuriers » (certains les appellent des jardiniers).
Ceci dit, que vous apparteniez à la première catégorie ou à celle des aventuriers, le problème reste le même : pour créer un texte attractif, il faudra le structurer.
La seule différence, c’est que l’auteur « aventurier » va faire son travail sur la structure lors de la première révision, pour recoller les morceaux et les bouts d’histoires et leur donner plus de cohérence, là où l’architecte aura fait ce travail avant l’écriture.
Mais toute histoire a besoin d’une structure soignée pour fonctionner.
Une méthode
C’est bien joli, mais comment s’y prendre ? Y a-t-il quelque chose qui fonctionne à coup sûr ?
J’ai envie de parler d’une méthode que j’utilise depuis quelque temps et qui peut s’adapter à toute histoire, à tout récit. Plus complète que la structure archiconnue en trois actes, elle m’apparait aussi plus logique et facilement adaptable. Je m’en sers partout, et même pour l’écriture de certains articles.
En 2005, j’ai eu la chance d’assister à un stage sur l’écriture de scénario, donné par Jean-Marie Roth. C’est d’ailleurs ce qui m’a relancé dans l’écriture après une (longue) période sans écrire de fiction, et plutôt tournée vers la formation à ce qui allait devenir mon day job. Ce fut la découverte d'une façon de faire pour structurer un récit de manière à donner de l’envie et du plaisir au lecteur.
On y abordait les notions de climax, de profondeur des personnages, de timeline, et quelques trucs et astuces pour les rebondissements dans l’histoire à raconter.
J’avais tendance à bricoler à partir de ce que j’avais appris lors de ce stage, jusqu’à ce que je tombe sur un article sur la façon de travailler de Cory Doctorow, dans lequel il abordait en une phrase mystérieuse le fait qu’il appliquait le seven point story structure à tout ce qu’il écrivait.
Cette phrase sibylline m’a mis en chasse et quelque temps plus tard, je trouvais une présentation par Dan Wells, disponible sur Youtube.
Plusieurs méthodes
Bien sûr, vous trouverez en cherchant un peu plein d’autres méthodes, que vous pouvez essayer aussi (la méthode du « flocon de neige », « l’arc en huit points » par exemple).
Mais cette façon (le seven point story structure) de penser la structure d’une histoire me correspond, dans le sens où j’arrive beaucoup mieux à construire mon histoire et mon plan avec cette « méthode ». Bien entendu, c’est à vous de choisir ce qui vous convient le mieux.
Dan Wells explique vraiment bien son affaire dans cette série de vidéos. Si vous comprenez l’anglais, ce sont 50 minutes bien investies.
Pour résumer, la structure en question se présente ainsi, dans l'ordre dans lequel le lecteur les découvre (entre paranthèses l'ordre dans lequel on va les travailler) :
L'accroche — The Hook (2)
Moment clé 1 — Plot Turn 1 (4)
Moment de pression 1 — Pinch 1 (6)
Le point du milieu — Midpoint (3)
Moment de pression 2 — Pinch 2 (7)
Moment clé 2 — Plot Turn 2 (5)
Résolution — Resolution (1)
Un peu plus en détail
(1): la fin !
Pour bien commencer sa structure, il faut commencer par la fin. C’est assez logique : en tant qu’auteur, vers quoi notre histoire va-t-elle nous amener ? Le dernier point, la résolution, est donc le but de toute l’histoire. Dan Wells illustre son propos avec Harry Potter, dont presque tout le monde connait l’histoire.
La résolution d’Harry Potter est donc « Harry vainc Voldemort ».
(2): le début.
Ensuite, on peut donc décider d’où partir, c’est le hook. De quoi accrocher le lecteur, et le point de départ qui va permettre une évolution du personnage et de l’histoire jusqu’à la résolution.
Dans notre exemple : Harry a une vie pauvre et triste.
(3): le point de passage du milieu
On s’attaque ensuite au midpoint, c’est un point de passage obligé pour le personnage, durant lequel il passe de la réaction à l’action.
Harry apprend la vérité sur la pierre philosophale et promet de la protéger de Voldemort.
(4): premier moment clé
Dans le premier plot turn, le monde du personnage change; c’est l’introduction du conflit qui va concerner le personnage. Il rencontre de nouvelles personnes, se découvre un nouveau pouvoir, découvre des secrets…
Harry va à Poudlard, devient sorcier et apprend la magie.
(5): le second moment clé
Le deuxième plot turn va vous aider à faire passer votre personnage depuis la décision d’agir vers l’action et le succès final. Il découvre donc la dernière chose qui lui manque pour arriver au stade resolution.
Harry découvre que la pierre est dans sa poche parce qu’il est pur.
(6) et (7): les points de pression
Les deux pinch sont là pour faire mal au personnage principal. Plus la tâche est ardue, plus le lecteur prend du plaisir à le voir réussir.
Le pinch 1 fait passer le personnage à l’action. Il s’agit de mettre de la pression : c’est l’attaque du troll dans Poudlard, où Harry est contraint à agir, car il n’y a pas d’adulte pour le(s) sauver.
Le pinch 2, enfin, doit faire mal. Le monde doit s’écrouler, les amis du personnage doivent être tués ou congelés, il n’a plus que deux balles dans son revolver alors que le requin géant attaque le reste de barque sur laquelle il survit… Vous voyez le topo. Ici, il faut que l’on sente le mérite à réussir jusqu’au point de résolution.
Ici, Harry est seul, car Hermione et Ron sont tombés dans les pièges du donjon.
Mon résumé est assez pauvre, aussi je vous encourage vivement à visionner les vidéos, qui sont beaucoup plus explicites.
Ce système correspond bien à ma façon de construire les histoires, et on peut l’adapter à tout type de récit — en fait, chacun peut s’amuser à identifier les points en regardant un film ou en lisant un roman. On peut aussi mélanger plusieurs structures en sept points, on peut même construire chaque chapitre selon cette structure si l’on le souhaite, et complexifier son histoire et ses personnages à volonté.
C’est très souvent mon point de départ pour le développement d’une histoire un peu élaborée, et avoir trouvé une méthode qui me permette d’être certain de ma structure m’aide à avancer dans mon écriture.
Dans mon enfance, l’un de mes jouets les plus marquants était un Goldorak de près de 80 cm de haut. Il était trop cool, pouvait lancer de missiles et avait des fulguropoings clignotants. Merchandizing dérivé du manga éponyme, ce robot géant que j’adorais était piloté par un homme, Actarus.
Début 2021, Boston Dynamics a publié sur sa chaîne YouTube une vidéo démontrant l’état de l’art de leur production. On peut y voir trois robots dansant sur une chanson du groupe The Contours, n° 3 du Billboard 100 de l’année 1962. À priori, rien d’effrayant, pourtant, ce que j’avais devant les yeux m’a autant fasciné que fait peur. Pour le coup, c’était nouveau : je n’avais jamais ressenti la moindre appréhension par rapport aux robots.
Ma génération y est aussi accoutumée que possible. En dehors de mon jouet, mes premiers contacts se firent au travers de romans de science-fiction, en lisant Asimov. Pour d’autres, ce fut peut-être par le biais du cinéma. On peut penser à R2D2 et C3PO de la saga Starwars, ou encore Ash dans Alien, un robot humanoïde dont il est impossible de deviner la nature, tant son comportement et son apparence sont similaires aux nôtres. Rapidement, ils sont devenus si courants dans notre culture que nous les prenons pour acquis.
Aujourd’hui, les robots partagent notre quotidien, et nous n’en avons pas peur. À la rigueur, la crainte qu’ils inspirent est celle de perdre une (grande) partie de nos jobs. Ils représentent le progrès, améliorent notre quotidien, augmentent nos capacités industrielles. À l’instar des fictions que nous lisons ou regardons, ils sont devenus courants dans nos vies.
Alors, pourquoi ai-je éprouvé un tel sentiment en voyant danser les robots de Boston Dynamics ?
La chorégraphie exécutée à la perfection par ces robots massifs dégage une impression de puissance et d’inexorabilité. En un sens, elle m’a rappelé le LUCAS, un bras automatisé Le robot LUCAS en action sur un mannequin. utilisé par les secours professionnels pour exécuter le massage cardiaque ; le rythme mathématique, la force constante et le côté imparable, inévitable, s’apparente à une certaine forme de violence.
En voyant cette séquence, je ne pouvais empêcher mon cerveau de divaguer. Devant mes yeux défilèrent des images d’une armée de ces robots contrôlant une foule de manifestants de manière autonome — une vision induite en grande partie par les images des grands mouvements sociaux qui inondaient les réseaux quelques semaines auparavant, et des violences policières associées. Une fois autonomes, comment se comporteront ces machines ? À quoi ressembleraient les violences « policières » perpétrées par de tels robots ?
Illustration C. Vallée
La vidéo dévoile les dernières capacités des créations de Boston Dynamics. La danse rythmée montre l’agilité, la précision et la vitesse ATLAS, le robot dédié à la recherche de Boston Dynamics peut déjà atteindre la vitesse de 1,5 m/s (c’est 5,4 km/h), soit la vitesse d’un homme qui marche. Cela ne peut que très vite évoluer. à laquelle ces machines se déplacent. Le robot le plus impressionnant, ATLAS, présente une forme humanoïde. On peut les imaginer sans trop de difficulté aux couleurs d’une unité de police, insensibles aux insultes, aux jets de pierre ou au gaz lacrymogène. Ils pourraient être équipés de caméras haute définition, enregistrant en permanence et utilisant des algorithmes de reconnaissance faciale pour identifier les leaders dans la manifestation. Une vision de cauchemar : c’est cela qui m’a littéralement fait peur.
Il est possible que je me sois laissé emporter par mon imagination. Écrire des fictions a sûrement une certaine influence sur ma façon de voir les choses.
Doit-on avoir peur des robots ?
Pourtant, nous sommes très habitués à la présence des robots. Ils sont apparus dans nos vies il y a plusieurs dizaines d’années, et on peut en voir de partout.
Le terme de robot fut inventé pour les besoins d’une fiction par l’auteur tchèque Karel Capek en 1921. Partons du principe d’exclure tout ce qui a trait aux automates, automa et autres outils automatisés ou utilisés pour distraire les foules. Je mettrais de côté aussi les drones et autres appareils pilotés à distance : il y a toujours un homme au bout des ondes ou du fil.
Dans la conception moderne de ce qu’est un robot, ceux qui marquèrent le grand public apparurent au début des années 1970, sur les lignes de production industrielle. Ils étaient destinés aux travaux pénibles, comme la peinture ou le soudage des carrosseries. Énormes et massifs, ils étaient réservés aux applications industrielles, n’exécutant que des tâches préprogrammées. La même époque vit le développement, dans les laboratoires japonais de robots humanoïdes, comme ceux que l’on peut voir dans certaines fictions. Tous avaient de sérieuses limitations : ils devaient être reliés d’une manière ou d’une autre à un système plus large, que ce soit pour leur alimentation ou pour les piloter. Leurs capacités sensorielles étaient très limitées, et il fallait un ordinateur externe pour traiter toutes ces informations. En cela, on était très loin de l’autonomie des robots présentés dans la fiction.
Justement, cette peur inspirée du visionnage des capacités de robots de Boston Dynamics peut-elle m’être inspirée par la fiction ? En d’autres termes, suis-je influencé par mes lectures et les films que j’ai vus en grandissant ? Le robot qui fait peur — ou pire : qui menace l’humanité — est un concept surexploité dans les œuvres de SF. Les Cylons de Battlestar Galactica se retournent contre leurs créateurs, déclenchant une guerre spatiale, et on ne voit pas ce qui va les empêcher de la gagner. D’ailleurs, que dans le remake moderne, les robots on prit une forme totalement humaine, séduisante, même, les rendant plus effrayants encore (comment les distinguer ?). Les terminators viennent du futur dans le but d’empêcher la survie de l’espèce humaine. Les machines de Matrix nous ont déjà réduits à l’état de piles électriques. Les Réplicants de l’univers Stargate consomment tout ce qui est électrique ou mécanique, et même absorbent quelques hommes dans la foulée, dans l’unique but de se répliquer Le concept a déjà été décrit en dehors de la fiction. Les machines auto-réplicantes sont un type de robot autonome capable de se reproduire tout seul en utilisant les matières premières trouvées dans son environnement, démontrant une auto-réplication similaire à celle trouvée dans la nature. Le concept fut proposé par Homer Jacobson, Edward F. Moore, Freeman Dyson et John Von Neumann. Source: Wikipedia .
Cette idée du méchant robot, animé par une pensée propre (ou une « intelligence artificielle » dans certains cas) est facile parce qu’elle fait appel à des ressorts bien connus : la toute-puissance mécanique (et c’est aussi le sentiment inspiré par les vidéos de Boston Dynamics) et l’invention qui se retourne contre son créateur (on pense à Frankenstein, c’est aussi une idée très utilisée en fiction, qu’on peut rattacher de loin à l’œdipe de Freud).
Mais la fiction apporte aussi tout un lot de figures robotiques qui sont au service de l’homme, le protègent, ou qui donnent une image sympathique. Le plus iconique étant peut-être R2D2, le petit robot qui assiste en permanence les héros de Star Wars, et surtout Luke Skywalker. Le robot de H2G2 (The Hitchhiker Guide to the Galaxy), nommé Marvin Marvin est un robot doté d’un processeur si puissant, qu’un cerveau biologique, pour déployer une puissance de calcul équivalente, devrait mesurer la taille d’une planète. Tout aurait pu être parfait, mais il est doté du PPA (Profil de personnalité authentique), ce qui le rend capable d’avoir des émotions plus humaines. C’est ce qui lui cause des problèmes : Marvin en est devenu dépressif, paranoïaque et, par conséquent, un peu agaçant pour les autres personnages. Source: Wikipedia , est un robot désabusé et dépressif, aux répliques aussi cinglantes que drôles.
Arthur : Marvin, as-tu une idée ? Marvin : Des millions. Elles mènent toutes à une mort certaine.
— Douglas Adams, Le Guide du Routard Galactique
Ou encore :
Ma propension pour le bonheur pourrait rentrer dans une boite d’allumettes sans enlever les allumettes.
— Ibid.
Même dans le cas où ils sont un support à l’humanité, on ne peut s’empêcher de constater leurs capacités qui dépassent le plus souvent celles des hommes. Elles sont physiques — les robots de fiction sont plus massifs, ils avancent plus vite, ils sont mieux armés, ils ne manquent pas leurs tirs (penser à Robocop) — et intellectuelles : leur mémoire est infaillible, ils parlent tous les langages connus (C3PO), ils ont accès à des bases de données sans limites, qui parfois viennent du futur (Terminator).
Dernièrement, le scénario de Zone hostile, un film de science-fiction produit par Netflix, décrit l’utilisation de robots militaires pour la première fois déployés sur un front de guerre, au milieu des troupes d’infanterie.
Dans son article sur le site builtin.com (The future of robots and robotics), l’auteur Mike Thomas résume l’impact de la fiction sur notre conception de la robotique ainsi :
On pourrait argumenter, en fait, que la culture pop en général a ruiné les robots, ou au moins la plupart des concepts que les gens ont à propos de ce que sont réellement les robots. Ce mélange d’influence façonne notre idée de ce qu’est un robot depuis si longtemps qu’on a bien du mal à penser autrement, sinon au prix d’un effort conscient. Justement, c’est du côté de l’inconscient que j’ai réagi en voyant les robots de Boston Dynamics. Mike Thomas,The future of robots and robotics
Ils sont déjà dans nos vies
Nous en croisons tous les jours. Le premier auquel je pense est mon aspirateur Roomba. Aux alentours de dix heures, il va quadriller le salon et les pièces adjacentes, nettoyer et aspirer toutes les miettes du petit-déjeuner et s’occuper de la plupart des poils de chat (espérons-le). Sur l’autoroute, le régulateur de vitesse va transformer mon véhicule en robot : en fonction des paramètres qu’il mesure, il pourra prendre la décision de maintenir la vitesse dans une côte ou de freiner pour rester à distance de la voiture qui me précède. Dans l’hôpital où je travaille, un robot occupe une pièce entière (en fait, plusieurs centaines de mètres carrés) ; il gère la distribution et la récupération des tenues de travail. Si l’on élargit un peu le point de vue, on peut aussi penser aux robots envoyés sur Mars (par la NASA, mais aussi par la Chine), même s’ils sont appelés rovers. Vu le temps de transmission nécessaire à la moindre communication avec la planète rouge, ces appareils doivent être capables de démontrer une certaine autonomie.
En fait, on pourrait considérer tout ordinateur qui a une influence sur le monde physique comme étant une forme de robot : du thermostat intelligent à la voiture autonome, du robot de tri des barres chocolatées dans l’usine Cailler aux robots des lignes d’assemblage de fabrication automobile. La plupart des entrepôts logistiques utilisent aussi des robots pour transporter et aiguiller les colis. Il y en a partout.
Dans le domaine, les progrès sont fulgurants. Ils sont liés à ceux de l’informatique : non seulement sur la puissance de calcul et la mémoire, mais surtout au niveau du développement logiciel, avec des domaines comme l’analyse de données, la reconnaissance de formes et l’IA. La gageure étant maintenant d’embarquer ces capacités de traitement à bord d’unités robotisées mobiles, les rendant, cette fois, autonomes.
Les applications sont infinies. Déjà, on a développé des robots pour la recherche de personnes en environnement risqué (radiation, éboulements) — on aurait pu utiliser un tel robot à Fukushima pour ouvrir une valve de refroidissement et éviter un incident nucléaire majeur.
Le bras Da Vinci au-dessus d'une table d'opération. Nimur at the English-language Wikipedia, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
Pourtant, les robots autonomes ne sont pas encore là.
En termes d’autonomie, on est encore loin des robots de la fiction. Les prochains progrès doivent se faire à deux niveaux : du côté de l’autonomie énergétique, et du côté logiciel (deep learning et machine learning).
L’un des plus gros problèmes que nous ayons est qu’il n’y a rien d’aussi bon que le muscle humain. On arrive pas à approcher de ce qu’un être humain est capable de faire.Will Jackson, directeur de l'Engineered Arts au Royaune-Uni,interviewé par Mike Thomas pour Built in.
Il reste encore beaucoup de progrès à faire. Certains on même pensé que la vidéo de Boston Dynamics était en fait de la CG (c’est faux). D’après leurs chercheurs, la vidéo à nécéssité un an et demi de chorégraphie, simulation, programmation et mises à jour, au sommet desquels le tournage de la vidéo qui a pris deux jours pour produire un film de moins de trois minutes Voir cet article de CBS. et beaucoup de problèmes à surmonter, au premier rang desquels l’autonomie énergétique. En fait, si l’ont suit l’idée de la loi de Moore, le coût par unité d’énergie n’a pas diminué de 50% tous les 18 mois, à l’inverse de ce qui s’est passé pour la puissance des microprocesseurs.
Donc, vraisemblablement, les robots qui m’ont fait peur risquent de voir leurs piles se vider avant de pouvoir faire quoi que ce soit de néfaste.
Mais plus que les possibilités de ces robots (qui dépasseront celles des hommes plus rapidement que je ne le pense), c’est l’IA et l’éthique qui les gouverne qui m’inquiète. Et on ne pourra pas compter sur les trois lois de la robotique, décrites par Isaac Asimov dans sa suite de romans sur les robots Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la première loi Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi. . Il a de toute façon démontré dans ses histoires qu’elles pouvaient être contournées ou poser des problèmes assez facilement.
Aujourd’hui, aucun robot n’utilise les Trois Lois. À la place, nous avons des experts en IA, éthique et morale pour aider à créer des guides pour la création et l’usage des robots. Certains chercheurs espèrent aussi donner plus de pouvoir aux robots en leur donnant l’abilité à faire tout seuls des jugements éthiques et moraux des conséquences de leurs actes.Dr Peter Bentley, What you need to know about the past, present and future of robotics
Le développement de l’Intelligence Artificielle que ces robots vont utiliser doit donc être fait en lien étroit avec l’éthique, qui doit être une priorité. On ne peut pas uniquement compter sur les intérêts privés, sur les chercheurs et programmateurs (l’erreur est humaine), pour garantir un comportement sûr de ces robots.
Le fait que Google, qui est le plus gros financier de recherches sur l’intelligence artificielle, ait viré récemment ses deux directeurs de l’éthique en IA, est très inquiétant. C’est de cela qu’il faut avoir peur.
Cet article est un Work In Progress. Dernière actualisation en février 2022.